Anne-Marie raconte son parcours et sa préférence pour l’autoédition pour embrasser le métier d’écrivain. Achetez son livre
En formation depuis 3 ans avec L’esprit livre et Jocelyne Barbas, ce thriller littéraire d’Anne-Marie Bougret paraîtra le 23 janvier 2019 au format Ebook et broché.
Cette intrigue se déroule dans l’univers de Virginia Wolf et se veut un hommage affectueux à cette écrivaine et aux femmes qui osent être elles-mêmes.
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Blogueuse et présente sur Facebook, Anne-Marie Bougret s’est vu proposer un contrat d’édition qu’elle a décliné, préférant dans un premier temps expérimenter l’autoédition, une démarche plus en accord avec les idées développées dans son roman et avec Virginia Woolf. Elle n’exclut pas pour autant l’idée que ce roman puisse être publié à compte d’éditeur, plus tard…
Chapitre 1
Mai 2010
Sussex, Angleterre
Clara Sainclair se gara devant un modeste pavillon de banlieue. Elle sortit de son Austin Mini couleur chocolat puis s’étira en laissant échapper un bâillement. Pendant un bref instant elle admira au loin, en contrebas, la mer bleu pâle léchant la baie de Brighton et ses piers (jetées). Dans le ciel, les mouettes entamaient leur ballet aérien, scandé de leurs cris plaintifs.
Il était inhabituel que Clara soit dehors de si bonne heure, mais ce matin-là Liz l’avait tirée du lit. Elle avait quelque chose d’important à lui montrer dans le journal.
Clara se détourna du magnifique spectacle et se dirigea vers le domicile de son amie. Avant même qu’elle ne sonnât, Liz apparut vêtue d’un tablier à volants autour de sa taille généreuse, un épluche-légumes dans une main et dans l’autre une pomme de terre. Elle lui fit signe d’entrer puis se rendit à la cuisine où elle attrapa le Daily Mail qui traînait sur la table.
— Regarde ça, j’ai l’impression que ton Peter ne t’a pas tout dit !
Clara s’assit et lut.
Meurtre d’une étudiante dans un hôtel à Brighton
(Daily Mail, 6 mai 2010)
Hier matin, une jeune fille, Anastasia Chomsky, une Ukrainienne, étudiant l’anglais au collège Saint-Giles, a été découverte étranglée dans la chambre 36 du Hilton Brighton Metropole. La victime aurait été tuée la veille, dans la soirée du 5 mai, aux environs de 20 h. Un avis de recherche a été lancé contre Marco Baldoni connu dans le milieu de la prostitution et contre son employé, John Leyshon, Néo-Zélandais, dont la carte de visite a été retrouvée sur le sol, à côté du corps. La police de Brighton coopère étroitement avec Scotland Yard pour interpeller le plus rapidement possible le ou les assassins de cette jeune fille. Toute personne pouvant apporter des éléments à l’enquête en cours est tenue de se rendre au plus vite au commissariat de Brighton.
Clara s’apprêtait à relever la tête pour dire à son amie qu’elle ne comprenait pas en quoi ce drame concernait Peter, lorsqu’elle aperçut les photos des deux hommes. L’une de son amant, Peter Ashwood, un grand blond barbu avec des lunettes et l’autre de Baldoni, un brun à la chevelure mi-longue et au visage émacié.
— Que fait-il en première page et pourquoi s’appelle-t-il John Leyshon ? C’est bien lui, j’ai déjà vu cette photo quelque part !
— C’est pour cela que je t’ai demandé de venir ! Tu te souviens ? On attendait Peter qui se préparait dans sa salle de bain, on était passé chez lui à l’improviste pour aller dîner en ville. C’est en cherchant le numéro de téléphone du restaurant sur son bureau que tu es tombée sur cette photo. Nous étions étonnées de le voir avec une barbe et des lunettes.
— Oui, ensuite on lui en a parlé, mais il a aussitôt changé de sujet.
Comme dans un mauvais rêve, Clara relut l’article, regarda de nouveau la photo sur laquelle elle reconnaissait Peter, plus jeune.
— Ce n’est pas possible qu’il soit mêlé à cette affaire. Ils ont dû se tromper. Si jamais cet article dit vrai, il m’aurait menti sur tout, même sur son nom. Et moi qui commençais à le considérer comme l’homme de ma vie ! dit Clara, les yeux remplis d’inquiétude.
Elle s’affaissa un peu plus sur sa chaise. D’un seul coup plus rien n’avait de sens, elle se sentit soudain fatiguée. La tête lui tourna, les lettres d’imprimerie se brouillèrent et dégoulinèrent de la feuille, le sol se déroba sous elle, le carrelage se craquela, puis une énorme faille sépara la cuisine en deux, menaçant de tout engloutir : elle, Liz, les chaises et la table… Inéluctablement, tout allait disparaître, absolument tout ! Bon débarras ! Sa vie n’avait été qu’absurdité…
Avant que Clara disparaisse dans la faille qui entre-temps s’était transformée en gouffre, les bras puissants et protecteurs de Liz la soulevèrent puis l’enveloppèrent avec douceur. Contrairement à Clara, Liz était une force de la nature à l’allure masculine.
— Et dire que je croyais avoir enfin trouvé un homme sincère, aimant, bienveillant… tu parles d’une courge ! Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ce genre d’histoires ?
— S’il te plaît, parle plus bas, tu vas les réveiller.
Liz faisait allusion aux étudiants du collège Saint-Giles qu’elle logeait chez elle tout au long de l’année, activité qu’elle cumulait avec des heures de ménage pour s’en sortir financièrement.
Deux ans auparavant, Clara avait été l’une de ses pensionnaires et tout comme la victime dans le journal, Anastasia Chomsky, elle avait perfectionné son anglais au collège Saint-Giles ; son séjour linguistique d’un mois s’était prolongé en années, tant elle aimait ce pays et cette région. À trente-huit ans, cette ex-professeure de danse avait quitté sa France natale pour aller vivre à Lewes, à une demi-heure de Brighton. Elle était devenue la gardienne d’une magnifique maison qui appartenait à James Wilnox, avocat d’affaires qui exerçait à New York.
— N’interprète pas trop vite, il y a peut-être erreur sur la personne. Si ça se trouve il a un frère !
— Impossible, il m’a toujours dit n’avoir qu’une sœur ! Mais il m’a peut-être menti aussi sur ce point-là !
— De toute manière, il faut que tu saches, tu ne peux pas rester avec ce type si c’est un malfrat !
— Tu veux dire un proxénète, voire un assassin ! C’est pire ! Oh bon sang, si seulement tout ça était faux ! gémit Clara en sourdine. On s’entend si bien tous les deux… je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme lui.
— Tu ne le connais que depuis trois mois.
— Oui, c’est peu, mais je t’assure, je ne croyais pas qu’un tel homme pouvait exister ! Et puis là, patatras, d’un seul coup tout s’écroule !
— Il a peut-être un sosie ?
Aînée d’une famille nombreuse aux revenus modestes, Liz n’avait pas le côté midinette de son amie. Célibataire endurcie, elle avait bourlingué dans sa jeunesse puis s’était fixée une bonne fois pour toutes à Brighton.
— Ou alors il connaissait cette fille, mais sans plus… c’est qu’il en voit du monde avec son métier d’antiquaire ! suggéra-t-elle en haussant les épaules et en posant un paquet de corn flakes sur la table.
— Peut-être…
Clara n’avait pas eu de chance avec les hommes, à commencer par son père qui, à son adolescence, l’avait humiliée alors qu’il était ivre et en colère contre sa mère. Dès qu’un problème survenait, elle avait tendance à douter d’eux. À elle non plus, Clara ne faisait pas confiance et pouvait se montrer injuste comme on l’avait été envers elle.
— Je les entends remuer à l’étage, ils vont bientôt descendre, veux-tu prendre le breakfast avec eux ? lui demanda gentiment Liz, soucieuse pour son amie.
— Non merci, je ne pourrais rien avaler.
— Le matin, je n’ai pas une minute à moi, continua Liz. Je dois ensuite partir faire mes ménages. Reviens plutôt en fin d’après-midi, on pourra discuter un moment avant le dîner. En attendant, pourquoi n’irais-tu pas voir Sally, ta voisine ? Je suis sûre qu’elle te donnera de bons conseils.
Lorsque Clara sortit de chez Liz elle avait froid, malgré le soleil qui dardait ses rayons sur le lotissement. Indifférentes au drame qu’elle était en train de vivre, les maisonnettes paisibles avec leurs bow-windows traditionnels s’étendaient de chaque côté de la rue dans la quiétude de cette belle matinée.
Telle une automate, Clara reprit sa voiture et roula en direction de Lewes sur la A27. La première fois qu’elle avait emprunté cette route, son amie Marie était au volant. Elle avait pu admirer le paysage, sans subir le stress de la conduite à gauche. Elle était bien sûr beaucoup plus gaie qu’aujourd’hui. C’était grâce à Marie, une ex-élève qui travaillait à Londres, que Clara avait obtenu son job de gardienne et connu James Wilnox, le propriétaire de Rosebed House, la demeure qu’elle occupait depuis deux ans.
D’emblée, elle avait adopté Lewes, cette petite ville historique dominée par un château fort normand avec ses vieilles maisons entretenues avec goût. Ici, le moindre détail comptait. Elle aimait le soin que les Anglais apportaient à préserver leur patrimoine, fût-il architectural ou naturel ; la réputation de leur campagne était justifiée, elle était somptueuse, et l’art paysager érigé en sport national y contribuait grandement. Mais ce qu’elle appréciait par-dessus tout, c’était l’ambiance bohème de Lewes et de sa région. Le groupe de Bloomsbury, dont faisaient partie l’écrivaine Virginia Woolf et sa sœur la peintre Vanessa Bell, était passé par là. Les artistes qui le composaient et qui s’y étaient installés au début du xxe siècle avaient créé une atmosphère propice à la création. Le choix de Clara de s’expatrier venait en grande partie de son admiration pour cette romancière. Quelle n’avait pas été sa surprise lorsque Sally, sa voisine âgée de quatre-vingt-dix ans, lui avait révélé que durant sa jeunesse elle l’avait connue en personne !
Clara avait rencontré par hasard la vieille dame devant le restaurant végétarien Bill’s. Elle s’apprêtait à traverser la rue lorsqu’elle laissa échapper son sac à provisions sur le trottoir. Clara s’était précipitée pour le ramasser et avait raccompagné Sally jusque chez elle. Alors qu’elles arrivaient sur les hauteurs de la ville, elles s’étaient rendu compte qu’elles habitaient le même quartier. Ce jour-là, elles passèrent près de The Round House, l’ancien moulin que Virginia Woolf avait acheté sur un coup de tête et découvrirent leur passion commune pour l’autrice. Clara préférait cette appellation, la forme correcte en français :
— On a enfin un terme à nous ! avait-elle expliqué à Sally qui parlait un peu sa langue. Pour la compréhension de la vieille Anglaise, elle lui avait donné des exemples : acteur, actrice, instituteur, institutrice, facteur, factrice… auteur, autrice.
Clara lui avait indiqué que ce terme avait été banni de l’Académie française au xviie siècle par des hommes qui se réservaient la noblesse de certaines fonctions. Les femmes pouvaient être des boulangères, mais plus des professeuses ou des autrices. Elles avaient le droit de propager la parole des hommes, d’être leurs interprètes (actrices), mais n’avaient pas autorité sur des textes qui leur étaient propres (autrices).
Clara quitta l’autoroute pour bifurquer sur sa gauche. Elle apercevait maintenant les South Downs, de grandes collines massives, qu’en son temps Virginia Woolf aimait contempler de son jardin à Rodmell, petit village à 5 km de Lewes. Clara se rendait régulièrement dans le cottage qui avait appartenu à cette célèbre femme de lettres pour y renseigner les visiteurs. Mais pour l’heure, elle clignait des yeux pour retenir ses larmes.
Elle se remémora le jour où, derrière une pile de serviettes dans la salle de bain de Peter, elle avait fortuitement découvert une boîte en fer remplie de billets de banque. Elle avait aussitôt suspecté Peter de faire du « black » dans le cadre de son travail et lui en avait parlé. Il avait nié, arguant qu’il était seulement prévoyant et préférait en cas de coup dur avoir du liquide chez lui. Effectivement, il réglait toujours en espèces mais, amoureuse, elle avait cru à ses explications et ne s’en était plus préoccupée. Aujourd’hui, ce détail collait parfaitement avec le comportement d’un mafieux ou en tout cas d’un fraudeur.
Clara ruminait ses déceptions.
— Quand je pense à Philippe, mon ex-mari, un menteur sans scrupule, qui m’a entraînée dans des dettes ; et ce Jean-Paul, qui m’adorait et m’a trompée dès le début de notre histoire… et Romuald, pour lequel j’ai tout quitté, et qui ne pouvait pas passer un week-end sans être entouré des uns et des autres… N’en as-tu pas assez ma fille d’être attirée par des hommes qui ne te valent rien ? se dit Clara qui se concentrait sur sa route malgré ses larmes.
Quelle idiote elle avait été ! Elle n’avait rien vu venir. Cette fois-ci, c’était le pompon, une première, le must de toute sa carrière d’amoureuse ! Elle le savait, un de ses défauts majeurs était d’agir trop souvent sur des coups de tête, d’être trop enthousiaste. Elle devait absolument prendre du recul et ne pas se précipiter dans la gueule du loup.
Le bonheur et l’amour n’étaient pas faits pour elle, se répétait-elle comme un mantra. Des mots tels que prostitution, meurtre, Peter, carte de visite, Baldoni, explosaient à sa conscience et lui vrillaient les intestins.
L’amour la rendait-il stupide ? Malgré cet article de malheur, elle espérait tout de même que John, puisque tel était son nouveau prénom, ne fût pas coupable et, s’il n’était pas déjà en prison, eût des circonstances atténuantes à lui fournir.
Vingt minutes plus tard, Clara se gara dans la cour de Rosebed House, une maison de style néo-gothique. La première fois qu’elle l’avait aperçue, complètement sous le charme de cette vieille demeure, elle avait poussé des cris d’admiration. Elle lui était apparue à travers la grille d’entrée ouvragée, masquée en partie par des gerbes indisciplinées de roses trémières. Miss Marple ou Hercule Poirot auraient pu surgir d’un instant à l’autre.
À peine arrivée, elle ressortit de la propriété et se dirigea vers Haven House (havre, refuge, en français), la maison de Sally qui se trouvait dans l’une des ruelles adjacentes, uniquement piétonnes.
Le journal qui venait de bouleverser sa vie fermement serré contre elle, Clara marchait aussi vite que possible sur les vieux pavés, risquant à chaque seconde de se tordre les chevilles. Elle ne jeta pas un seul regard à la demeure edwardienne aux briques rouges ni au massif de millepertuis aux fleurs jaunes, mais frappa à la porte. Sans attendre de réponse, elle s’engouffra à l’intérieur tel un ouragan. Elle avait trop mal à la tête et au cœur pour s’encombrer de formules de politesse ; elle avait hâte de se confier à Sally, qu’elle trouva en train de lire dans son salon, à sa place habituelle, dans son fauteuil vert à franges, près de la fenêtre d’où elle pouvait apercevoir son cher jardin.
La vieille dame leva les yeux de son roman et se dit que décidément avec ses cheveux roux bouclés et ses éphélides sur le visage, sa petite Frenchy, comme elle l’appelait parfois, ressemblait plutôt à une Irlandaise. Elle était toujours ravie de voir Clara, qu’elle baptisait également son petit rayon de soleil, ou son petit volcan, selon l’humeur de celle-ci. L’expression de sa visiteuse lui indiquait que, ce jour-là, le soleil n’était pas de la partie.
— Regardez Sally, j’ai l’air fin avec mes grandes idées féministes ! Si ce journal dit vrai, c’est un criminel !
— Bonjour mon enfant, de qui parlez-vous ?
— Oh excusez-moi, je ne sais plus où j’en suis ! Je parle de Peter bien sûr ! Tenez, lisez, c’est écrit en toutes lettres, et en plus il a sa photo en première page ! expliqua Clara en tendant le Daily Mail à Sally.
La jeune femme se laissa tomber dans un fauteuil à côté de Sally qui, munie de sa loupe, parcourut l’article avec application.
— Oh my God, vous êtes sûre qu’il ne s’agit pas d’une erreur ?
Sally ajusta ses lunettes et se tourna vers la lumière du jour pour mieux distinguer l’homme dans le journal.
— Mais ce Peter-là est barbu ! Je ne crois pas que ce soit lui.
— Malheureusement, c’est une photo de lui plus jeune que j’ai déjà eue entre les mains !
Pensive, Sally posa un instant sa tête sur la dentelle qui recouvrait le haut de son fauteuil puis regarda Clara dans les yeux.
— Vous savez, la police se trompe souvent… et les journalistes aussi, il faut en prendre et en laisser… Clara, je vais vous faire du thé, vous avez besoin d’un petit remontant.
— Non, restez assise, je m’en charge, dit Clara en se levant d’un bond.
— Ne vous rendez pas malade, renchérit Sally, la réalité est probablement tout autre. Je suis mal placée pour en parler, je ne l’ai aperçu qu’une seule fois, mais il m’a semblé être un gentil garçon.