La désinhibition dans les ateliers d’écriture procure le sentiment de se révéler. Il s’agit du premier apport que perçoit les auteurs débutants. Si vous ignorez ce que sont les ateliers d’écriture, je vous invite à lire d’abord cet article.
La semaine dernière, je vous ai parlé des bénéfices littéraires obtenus grâce à la fréquentation d’un atelier d’écriture créative. Ainsi que des apports personnels que cela génère. J’aimerais approfondir aujourd’hui un point évoqué précédemment, celui de l’ego, et le lier à la désinhibition nécessaire dans le cadre d’échanges oraux comme écrits où notre moi est susceptible de transparaître entre les lignes. Oui, j’ai relu La philosophie pour les nuls, ces jours-ci.
Les autres
Des briques dans l’esprit
Posons-nous tout de suite la question essentielle pour partir du bon pied : qu’est-ce que l’ego ? Eh bien, il s’agit d’un jeu de construction consistant à assembler des briques élémentaires en matière plastique. Ah non. Je me suis mélangé dans mes fiches, désolé. Sur l’excellent site JePense.org, voici la définition qu’on nous en donne : « En philosophie et en psychologie, l’ego (du latin ego ‘‘je’’) est le ‘‘moi’’,c’est- à-dire la personne telle qu’elle se voit et telle qu’elle se pense dans son rapport aux autres et au monde. ». Partant du principe qu’un atelier d’écriture est un monde à part où l’on rencontre quelqu’un d’autre que nous, le doute n’est plus permis : j’ai lancé ce sujet avec brio.
Fenêtre entrouverte
Le rapport aux autres est loin d’être anodin quand il se bâtit sur une image de nous-même passant prioritairement par ce que nous écrivons. Bien sûr, chaque page lue n’est pas un vêtement qu’on nous retire jusqu’à nous mettre à nu. Mais par la récurrence de certains thèmes, la façon dont on les expose – avec plus ou moins de neutralité –, on s’offre à la réflexion des personnes qui nous lisent. S’il n’est pas question à proprement parler de voyeurisme intellectuel à travers la désinhibition, on dispose là d’une fenêtre entrouverte sur nos sentiments, nos opinions, etc., et si l’on creuse plus profond, sur notre âme. Diable !
Il ne faut pas prendre tous les mots du facteur à la lettre
Pour reprendre la traduction du titre d’une nouvelle de Stephen King, c’est en quelque sorte une Vue imprenable sur jardin secret. Mais tout le monde ne distingue pas forcément les nuances se logeant dans nos textes, ou ne leur attribue pas les mêmes significations. Cela peut donc donner une vision assez fidèle de qui nous sommes tout autant que constituer un prisme déformant de notre personnalité. L’interprétation que chacun en fait repose sur de nombreux facteurs. Merci de ne pas ajouter « sonnent toujours deux fois » dans la marge, j’aimerais que cet article conserve un peu de tenue.
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Dialogue, paravent et tremblotements
Le joueur de poker, le clown, le magicien et le mime
La perception qu’ont les autres de nos écrits peut se baser sur des malentendus si jamais nos histoires, nos personnages, nos idées manquent de clarté. C’est par le dialogue entre les participants d’un atelier que se dissipent des impressions erronées, ce qui nous amène à la désinhibition. Eh oui, arrive le moment où un joueur de poker doit abattre ses cartes, un clown se démaquiller, un magicien dévoiler certains de ses trucs et un mime se mettre à parler. Inutile de me féliciter pour la pertinence de ces brillantes comparaisons, ça me vient naturellement.
Desserrer le carcan de nos pudeurs
Parfois, l’ego sert de paravent à nos pudeurs jusqu’à en devenir le carcan. Une manière de se protéger au point d’empêcher une désinhibition qui dans certains cas nous serait pourtant salutaire. Non pas qu’il faille permettre à nos lecteurs le défrichement total du jardin secret évoqué plus haut. Surtout pas. Ne tendez pas d’emblée la main à quelqu’un peut-être capable de vous manger un bras. Contentez-vous dans un premier temps de lui faire un discret signe du bout des doigts en glissant dans votre texte un indice l’autorisant à son tour à accomplir un pas dans votre direction. Tout en le maintenant hors d’atteinte des endroits où vous ne souhaitez pas le voir s’aventurer.
Personnalité brisée
La désinhibition doit être proportionnée à la confiance qu’on accorde à celles et ceux à qui on donne accès à une partie de notre moi par le biais de l’écriture. Le monde n’est certes pas entièrement guidé par la malveillance – même si une paranoïa galopante pourrait nous inciter à penser le contraire. Mais le risque existe d’être un jour mis en présence d’une personne dont le jugement de votre histoire – et donc de vous-même – serait malintentionné. Pour citer l’un des plus grands joueurs de l’Histoire des échecs, Robert James Fischer (dit Bobby Fischer, et par ailleurs personnage plus que controversé en raison de nombreuses déclarations plus que douteuses) : « Le moment que je préfère le plus dans une rencontre, c’est celui où je sens que la personnalité de l’adversaire se brise. » Et un atelier d’écriture, c’est une rencontre.
La plume qui tremblote
Brrr, j’en ai la plume qui tremblote ! Je dramatise volontairement, simplement pour, dans le même élan, dédramatiser. Je sais, c’est une technique que je possède admirablement. Mais revenons à nos ragouts. À nos moutons, pardon. Une critique, aussi dure soit-elle, est le plus souvent le moyen d’évoluer dans son écriture après que l’autre nous l’a adressée et que nous ayons accepté qu’elle soit fondée. À notre ego de faire la part des choses. Et donc écrire en ayant conscience de l’image que l’on renvoie. Ou plutôt, de celle dont on estime qu’elle nous correspond, quitte à combler le fossé séparant notre réalité et celle perçue par l’autre. Maintenant, pour finir, je peux bien vous l’avouer : je n’ai rédigé cet article que pour enfin savoir, à force de l’écrire, où il fallait placer ce foutu « h » dans le mot « désinhibition » !
La philosophie pour les nuls – Christian Godin – Éditions First.
La vie est une partie d’échecs – Dany Senechaud – Éditions La libre case.