Qu’on ait délaissé l’écriture durant dix jours ou dix mois, notre cerveau n’a lui jamais cessé d’élaborer des fragments d’histoire, bien qu’aucune phrase n’ait été écrite au cours de cette période. Personnage, dialogue, intrigue, situation – tout le matériel de l’invention –, a cependant été stocké dans un coin de notre esprit. Le processus intellectuel nécessaire pour piocher dans ces réserves d’imagination, constituées alors qu’on se tenait éloigné du clavier ou du stylo, paraît parfois compliqué à réenclencher. On dit pourtant qu’il suffit d’allonger le bras quand on a tout à portée de main…
Les choses importantes
Ne pas repartir de zéro
Il est une chose dont il est important d’avoir conscience lorsqu’on redoute de se remettre à l’écriture après une période « d’abstinence littéraire ». Il s’agit en fait d’un constat simple : ce dont nous avons besoin pour écrire est en permanence à notre disposition. Si l’on a ça en tête, on évalue de façon réaliste les efforts à mettre en œuvre pour retrouver un rythme de travail satisfaisant. Surestimer les difficultés inhérentes à une tâche est un frein à sa réalisation. Savoir qu’on ne repart pas de zéro, qu’il y a en nous les conditions de notre réussite, est une façon de reprendre l’écriture presque là où on l’avait laissée. L’encre ne sèche jamais tout à fait sur le calame de la plume.
Se donner du courage
Bien sûr, la régularité est déterminante afin de progresser dans notre écriture. Comme dans tout apprentissage, on ne fait pas que stagner lorsqu’on ne se perfectionne pas dans notre art, on régresse hélas bel et bien. Ça aussi, il est important de le prendre en compte avant de retourner à sa table de travail. Pas pour perdre courage, mais pour s’en donner. On supporte mieux de composer des phrases moins fluides après un arrêt en comprenant le caractère incontournable d’une pratique quotidienne pour qui veut s’améliorer constamment. Notre inspiration rouillée a besoin de quelques étirements mentaux, il nous faut l’accepter.
Se relire pour se rassurer
Relire ce qu’on avait écrit juste avant de faire une pause dans notre écriture est une source de motivation. Là encore, cela participe de notre capacité à redémarrer en évacuant bien des doutes. Un texte abouti nous rappelle combien l’on est capable d’aligner des phrases tenant parfaitement la route. Ça peut paraître un peu curieux, mais il nous faut de temps en temps des preuves de nos qualités d’écrivain. Se le dire sans s’appuyer sur des exemples aussi concrets que nos propres écrits possède moins d’impact. Psychologiquement, on se nourrit de nos accomplissements en tant que validation de nos acquis.
Se connaître pour connaître son écriture
Un choix personnel
Un aspect personnel entre en jeu quand on revient d’une escapade hors des territoires littéraires : le choix de ce qu’on écrit lorsqu’on replonge au cœur de la mêlée des mots. Doit-on opérer une remise en route passant par une écriture récréative ou s’atteler sans tarder avec sérieux au projet littéraire que nous avions un temps délaissé ? Veut-on se rassurer en s’exerçant sur des phrases n’influant en rien sur le travail dont on a à cœur de voir l’achèvement ou concentrer immédiatement tous ses efforts sur ledit travail ? On va le voir, comme dans nombre de domaines, bien se connaître permet de gagner du temps quelle que soit la solution adoptée…
L’expérience et la découverte
Pour les plus expérimentés, la marche à suivre est routinière. Un auteur aguerri saura quelle cause produit quel effet et ne s’égarera pas dans des tentatives n’ayant pas été concluantes par le passé. En outre, il sera en mesure de repérer aisément les signes indiquant que son écriture est bien en place, d’une qualité égale à ce qu’il produisait à son meilleur avant de faire un break. Un auteur en herbe possèdera moins de recul sur la qualité de ses écrits, puisqu’il sera encore dans une phase de découverte de ses capacités littéraires.
La transmission
Acquérir des techniques d’écriture entraîne une vision plus évolutive de nos textes. Cela implique que notre façon de juger notre travail est soumise à une forme d’instabilité. Résultat, il est plus ardu de discerner, quand on se remet à écrire, le moment où nous atteignons notre plein potentiel. Un regard extérieur est alors profitable pour non seulement souligner les progrès effectués, mais aussi pour définir clairement les savoir-faire définitivement maîtrisés. C’est l’acte de transmission d’un écrivain à celui en passe de le devenir. C’est le lien construit entre L’esprit livre et ceux qui se mettent et se remettent à écrire…