Un carnet de lecteur, peut devenir un carnet de voyages littéraires et vous fournir énormément de piste d’écriture.
Vous avez certainement un jour souligné des mots dans un livre, noter dans la marge vos idées… le carnet de lecteur s’inscrit dans cette démarche. Consigner au fil de ses lectures ses pensées, c’est collecter les germes de nos futurs textes. Une manière particulièrement efficace de tirer des bénéfices de nos écritures.
« Ayez un carnet de notes. Voyagez avec lui, mangez avec lui, dormez avec lui. Notez-y tout ce qui vous vient à l’esprit. Le papier est bon marché et moins périssable que la matière grise, et les notes à la mine de plomb durent plus longtemps que la mémoire. » Jack London
Le carnet, un outil primordial pour développer sa créativité
Comment se servir d’un carnet ?
Le carnet est tout à la fois un support d’écriture et un ensemble de pratiques. Il tient à la fois du brouillon et du beau livre. Il permet toute forme d’expression de soi et une infinité de possibilité d’écriture : prise de note, collecte d’informations ; résurgence de souvenirs, critiques, dialogue avec sa conscience, voyage initiatique, confidences à un journal intime, compilation de découvertes, d’étonnements, de questionnements, d’indignations, de refus…
Le carnet de lecteur d’un écrivain tient le rôle d’un atelier d’écriture personnel portatif. Il renferme des idées qui l’animent, autant de stimulants intellectuels, de bouillements créatifs qui poussent à laisser des traces de soi-même et à matérialiser ses élans littéraires… Ces notes, billets, fragments, textes librement inspirés… sont des « pré » textes. Il ne s’agit ni plus ni moins d’écrire à partir de vos lectures sans jamais plagier mais en fertilisant sa pensée et son imaginaire.
Chemins créatifs pour les auteurs
Pour ceux qui écrivent, voici une liste non exhaustive des contenus possibles nourrir votre esprit.
- Des notes de lecture : citations, extraits de textes, matière textuelle, des structures lexicales, des procédés d’auteurs, des tours de mains, des images et métaphores
- Ses pensées du moment, dans un lieu et un contexte, des réactions (Voir Le journal d’un lecteur d’Alberto Manguel ci-dessous)
- Des bilans existentiels, comme Le carnet de Malte laurids Brigge, de Rilke
- L’observation du quotidien
- La recherche documentaire afin de traiter un sujet, nourrir un projet littéraire
- Un carnet de travail, de brouillons avec des essais et des ratures, des versions successives, des tâtonnements, des esquisses, des ébauches, des gribouillis, l’amont de l’écriture
- Un fouillis créatif : des regards croisés, impressions de promenade, description de passants, paroles entendues, de idées de pitch, etc.
Cette forme d’écriture s’envisage avec une grande liberté d’expression. Aucune longueur imposée, ni contrainte dans le choix ou orientation de ces formes d’écriture qui appartiennent à ce que l’on peut appeler la lecture créative.
Vous pourrez aussi à travers cette démarche explorer votre manière de lire, devenir conscient de vos attirances, du style d’un auteur et de ses techniques. Ainsi commence ce voyage dans votre univers intérieur et dans la littérature. Vous pourrez cartographier vos sources d’inspiration et les prémisses d’histoire à raconter. Il va sans dire qu’il vous faudra lire et relire votre en carnet pour en tirer la substantifique moelle…
Répondre aux textes qui nous interpellent
Le journal d’un lecteur d’Alberto Manguel
Dans son livre : Journal d’un lecteur, Ed. Actes Sud, Alberto Manguel se livre à une expérience étonnante d’écrire au fil de ses lecture avec un projet clairement affiché.
« Il y a des livres que nous parcourons dans l’allégresse, oubliant chaque page lue sitôt tournée la suivante ; d’autres que nous lisons avec révérence, sans les oser, sans les approuver ni contester : d’autres qui se bornent à nous renseigner et excluent d’avance nos commentaires ; d’autres encore que, parce que nous les aimer si fort et depuis si longtemps, nous ne pouvons que répéter, mot à mot, car nous les connaissons, au sens propre, par coeur. Et il y en a beaucoup encore qui tiennent de tous ceux-là et qui, au lieu de susciter le silence (respectueux ou ravi), nous aiguillonnent, nous prennent aux épaules, exigent de nous que nous réagissions par une opinion, une réflexion, une question, un souvenir, un désir.
La lecture est une conversation. Des fous se lancent dans des dialogues imaginaires dont ils entendent l’écho quelque part dans leur tête ; les lecteurs se lancent dans un dialogue similaire, provoqué par les mots sur une page. Si, le plus souvent, la réaction du lecteur n’est pas consignée, il arrive aussi que le lecteur éprouve le désir de prendre un crayon et de répondre dans les marges d’un texte. Ce commentaire, cette glose, cette ombre qui accompagne parfois nos livres préférés transpose le texte en un autre temps et une autre expérience ; il prête de la réalité à l’illusion qu’un livre nous parle et nous incite (nous, ses lecteurs) à exister. (…)
Il m’est apparu que, si je relisais un livre par mois, je pourrais mener à bien, en un an, quelque chose qui tiendrait à la fois du carnet intime et du recueil de citations : un ensemble de notes, réflexions, impression de voyage et descriptions d’amis et d’événements publics ou privés, le tout suscité par mes lectures. » Alberto Manguel Ed. Actes Sud, coll. Babel
Conservez avec vos livres : 7 pistes à suivre
Dans cet ouvrage, Alberto Manguel, adopte une approche particulièrement active et créative de la lecture. Vous pouvez vous l’approprier tout ou partie, en choisissant des livres qui ont compté pour vous. Alberto Manguel invite vivement les lecteurs à prendre la parole et à écrire : « Parce que la lecture est peut-être avant tout une « conversation », tout lecteur éprouve le besoin de « répondre » aux textes qui l’interpellent et confèrent à sa vie un surcroît d’existence. »
Si vous désirez inscrire vos lectures dans une démarche créative, nous vous conseillons sept pistes d’écriture, faciles à mémoriser et à utiliser. Vous pourrez même vous fabriquer un marque page page personnalisé pour vous en souvenir plus facilement.
1) CITATION
Relever une phrase dans l’un des textes et la commenter.
2) LISTE ET INVENTAIRE
Établir des listes de mots : mots inconnus, mots que j’aime… Inventez plusieurs catégories de listes
(3) PROLONGEMENT
Continuer le texte de l’auteur (relevé d’un mot, d’une phrase, d’un paragraphe) pour orienter différemment un récrit
(4) ADAPTATION
Réécrire un passage en l’adaptant : à votre univers, à une manière de parler, à un type de lectorat ciblé, à un autre usage que la fonction première du texte…
(5) ASSOCIATION
Rédiger par association d’idées en réagissant au contenu du texte.
(6) CONTESTATION
Réécrire le texte à votre façon en donnant une autre vision, en le commentant de manière contestataire
(7) INVENTION
Inventer votre propre procédé d’écriture en interagissant librement avec un texte. Une seule contrainte : ce procédé doit susciter en vous le désir d’écrire
Quand les carnets de lecteur se transforment en carnet de voyages littéraires
Il est évident pour les auteurs que l’écriture, la lecture et le voyage imaginaire et réel sont intimement liés. Ces expériences existentielles sont source de création. Le désir d’écrire naît aussi des rencontres avec les auteurs et leur univers. Quel auteur pourrait se dispenser de lire et de sortir de chez lui afin de recueillir les informations nécessaires à ses descriptions, prendre le pouls de l’humanité et rencontrer ses semblables ?
Car il faut voyager soi-même et de toute les manières, écrire et lire les réalités du monde pour se rendre compte que cette forme de littérature ironise et se gausse des absurdités… Il ne pouvait pas en être autrement ! Le genre « récits de voyage » demeure inclassable, atypique et s’autorise toutes les techniques et toutes les formes littéraires, une manière de franchir les frontières dans cet élan de liberté en ayant tout à déclarer.
A partir de quel moment peut-on parler de genre littéraire ?
Gérard Cogez dans son essai « Les écrivains voyageurs au XXe siècle, Éd. Points Le Seuil, parle de « genre narratif à part entière, où seraient répertoriés tous les textes ayant rendu compte d’un itinéraire réel effectué par un voyageur qui serait en même temps l’auteur du récit ». La qualité du récit littéraire s’obtiendrait selon cet auteur par « un incontestable souci de style et de composition. L’auteur écarte du revers de la main la fiction, le rêve, la métaphore si chère à notre langue française et si indispensable à nos rêves.
Nous rajouterons à sa liste les voyages imaginaires, si chers aux auteurs. Dans l’excellent dossier sur l’éloge du voyage paru dans le Magazine Littéraire (Juillet- Aout 2012, N° 521), le bonheur de vivre de l’écrivain est présenté comme étant une vie de curiosité, d’énergie sans limites, une vie d’enthousiasmes innombrables. « Être voyageur, être écrivain – dans mon esprit d’enfant, c’était au départ un peu la même chose. » écrivait Susan Sontag.
Alberto Manguel, l’éloge de la lecture
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