Écrire avec clarté n’est pas si simple qu’on le pense et ne consiste pas qu’à relater des événements. Il est primordial qu’ils soient compréhensibles, même, surtout, au sein de la plus complexe des intrigues. Il s’agit donc entre autres de chasser l’ambiguïté, traquer les incohérences et rendre sa prose intelligible à chaque instant. Allez, ne perdons plus de temps : pour être clair, il faut foncer…
Une mademoiselle au bord du gouffre
Il ne faut pas confondre clarté et simplicité. Il est tout à fait possible d’écrire un texte dont la portée intellectuelle est ambitieuse tout en exposant ses idées avec limpidité. Oui, Mademoiselle, là, au premier rang ? J’en suis la preuve vivante ? Je vous remercie d’être d’une lucidité confondante. Un aparté avant de me lancer avec enthousiasme dans le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui : le terme mademoiselle a récemment été supprimé de tous les formulaires administratifs. Quelqu’un pour me dire où va ce monde ne cessant de disserter sur le sexe des anges ? Mademoiselle, toujours au premier rang, je vois que vous venez de me faire un dessin : la planète Terre reliée par une flèche au mot gouffre…
Les marges de la pensée
J’ai bien sûr inventé ce dessin à dessein. D’abord, pour dire que la stupidité mène notre société vers l’abîme à coups de circulaires et autres textes de loi dont la pertinence m’échappe, pour rester poli. Mais surtout, pour démontrer par l’exemple ce qu’il convient d’éviter afin de conserver toute sa clarté à son histoire : la digression. Cette marge de notre pensée altère cette dernière quand on souhaite la mener à bon port. Et en droite ligne. J’ai écrit il y a peu un article sur les flash-back et un autre sur les flash-forward. Ces techniques narratives ne sauraient s’apparenter à la digression, car elles font partie intégrante de l’histoire, ce qui n’est nullement le cas de mon pas de côté sur mademoiselle, qui détourne l’attention du lecteur du sujet principal de cet article. Inutile de me remercier de définir avec une telle virtuosité les contours de la digression. C’est pour votre bien.
Éclaircissez votre texte à coups de machette
Que faut-il fuir d’autre pour espérer que l’essence même de notre discours ne soit pas éparpillée dans plusieurs jerrycans ? Se dispenser le plus possible de généralités. Elles dépersonnalisent votre message. Pensez à votre lecteur comme une personne à qui vous souhaiteriez dire quelque chose d’important. De primordial. Est-ce que vous lui parleriez des saisons des pluies au Zanzibar ou de la vitesse de pointe du gnou au lieu d’aller directement au but ? Bien sûr que non. Ou alors, veuillez m’excuser de l’exprimer ainsi, vous êtes un drôle de spécimen. La clarté dans un texte est une espèce d’urgence. Il s’agit de progresser dans son récit à coups de machette, d’éclaircir sa route avec une rage répétitive.
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S’organiser
L’agencement des phrases
L’ordonnancement des phrases participe également de la clarté d’une histoire. Comprenez par-là que si vous désireriez écrire un texte dont l’action se déroule en Israël, il ne s’agirait pas de mettre la charrue avant l’hébreu. Dépourvu de cohérence, le plus immense des talents s’égarera dans un labyrinthe aux murs tapissés de motifs indéchiffrables. Bon sang, je vais finir par écrire des poèmes, moi ! Oups, alerte digression ! Une phrase, ça se prépare. C’est un effet en soi, et, comme tous les effets, il faut savoir l’amener. Il nous appartient de réfléchir à la différence d’impact qu’aura une phrase selon la façon dont on la positionnera par rapport à une autre. On croit parfois que le résultat de notre cogitation est satisfaisant, car on est parvenu à traduire par des mots ce que l’on voulait que notre lecteur ressente. Mais ça, c’est juste la base de l’écriture. Se contenter de poser son idée ne signifie pas qu’elle se situe à la meilleure place. C’est pourquoi l’agencement des phrases est si important.
Circule, virgule, ou je t’apostrophe !
Quoi d’autre ? La ponctuation. Ah, ces signes bizarroïdes dont on craint l’utilité… c’est tout l’art permettant à la littérature de respirer. Et à la clarté de rayonner. Oubliez une virgule, et vous atténuerez l’ampleur d’un sentiment. Un point d’exclamation malvenu tournera en ridicule la plus noble des émotions. Cet alphabet particulier se rapprochant presque du dessin confère à nos phrases plus qu’un balisage obligé : une intensité dont on ne saurait les dépourvoir sans risque de les amputer. C’est en légitimer la signification que de respecter le souffle qu’elles contiennent en leur attribuant ces minuscules gardes du corps.
Bref
Je vais finir rapidement en évoquant la concision.
Voilà.
Ah, ma patronne vient de me dire qu’il serait bien de développer, sans quoi ça laisserait un goût d’inachevé. Alors donc, la concision : c’est éviter le mot de trop (faites gaffe aux adverbes, les ami(e)s). Des fois, on s’emballe. On en rajoute. Mais plus c’est touffu, moins c’est clair. Souvenez-vous de la machette. Quand on hésite entre deux mots, il faut en éjecter un. Sinon c’est plus pire. La clarté naît toujours d’un choix. Le vocabulaire est parfois si riche qu’il en vient par sa surabondance à appauvrir notre style. Ç’a l’air d’un paradoxe, mais ce n’est aucunement le cas. Il ne s’agit pas de faire grouiller les mots autour d’une idée afin qu’elle s’impose. Ce serait plutôt le meilleur moyen pour l’engluer dans du superflu langagier. Alors ayez toujours à l’esprit qu’être trop bavard, ce n’est pas convaincre, mais le début de l’agacement chez celui qui vous écoute. La clarté en littérature, c’est donner le temps de la réflexion à son lecteur…
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