Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

Où en êtes vous dans l'écriture ?

Êtes-vous comme Oscar Wilde ? Hésitant au point de ne pouvoir ajouter qu’une virgule à votre texte le matin et l’enlever l’après-midi ? Comme Stephen King, un gros producteur, au moins 10 pages abouties par jour ?

Mesurez-vous aux plus grands écrivains et définissez votre niveau d’écriture en répondant à ce quiz.

Que voulez-vous apprendre ?

Répondez à ce quiz et recevez vos réponses par mail .
Vous obtiendrez ainsi une liste personnalisée de vos désirs de d’apprentissage classés par ordre de priorité et de difficulté.

Inscrivez vous à notre newsletter

La psychologie de la vengeance chez le personnage

duel, pistolet, vengeance

Sommaire

Le besoin de vengeance est un levier psychologique puissant et fascinant pour étayer une histoire… encore faut-il en connaître les rouages, c’est ce que vous explique cet article.

Première partie

La vengeance d’une personne s’exerçant sur une autre peut avoir de multiples raisons autant qu’il est possible de l’assouvir de bien des manières. Comme vous, j’imagine, il m’est arrivé de lire plusieurs histoires dans lesquelles il était question de tout cela. J’aimerais, dans cet article, avec, comme angle d’attaque un court roman, essayer de décortiquer ce qui est en mesure d’animer un personnage s’étant juré de faire payer le prix fort à quelqu’un pour ce que celui-ci lui a fait. Un court roman, oui, de celui que vous lirez en peu de temps et que pourtant vous n’oublierez sans doute jamais…

Les fibres placentaires de l’écrivain

Une porte ouverte dans votre imagination

Son auteur, un de ces Américains semblant nés avec les fibres de l’écriture mêlées au placenta de leur mère, fait pour moi partie des écrivains légendaires ayant quelque chose à dire allant bien au-delà de leur histoire, même si tout ce qu’ils souhaitaient exprimer sur le sujet est englobé en un tout parfait, une phrase après l’autre. Cependant, une fois lue, elle vous accompagne dans d’étranges prolongements lorsque vous y repensez, vous plonge au cœur de réflexions qui jusqu’alors ne vous avait pas même effleuré l’esprit. On dirait qu’il ne s’agit pas seulement d’un excellent roman, mais d’une porte ouverte dans votre imagination pour le restant de vos jours.

Ce que la mort ne nous enlève pas

Qui sait ce qui peut bien entrer et sortir par cette issue. Cet écrivain aurait pu être Italien comme être né en Colombie, cela ne change rien à l’affaire. Même si, en quelque sorte, l’endroit de votre naissance conditionne pour une part votre écriture, y incorpore votre culture, votre curiosité ou les enseignements de votre enfance. Toujours est-il que cet auteur – hélas décédé il y a de cela un peu plus de 6 ans en Arizona –, a grandi de l’autre côté de l’Atlantique, dans le Michigan. Il s’appelle – la mort nous enlève probablement beaucoup de choses, mais sûrement pas notre nom – Jim Harrison. Et son texte sur lequel je vais essayer de m’appuyer a tout simplement pour titre Une vengeance…

De l’or dans les nouilles

Pour l’anecdote, je l’ai acheté chez un bouquiniste à un prix dérisoire, comme si on m’avait appris à changer le plomb en or en échange d’un porte-clefs. Un lecteur insatiable sait que si l’endroit où il se rend propose des livres ayant déjà passé entre plusieurs mains, il aura une chance d’y dénicher un trésor intellectuel. Une certaine forme de logique voudrait que ces échoppes contiennent en majorité des bouquins aussi ennuyeux que la diffusion télévisée pendant cinq heures d’un concours de fabrication de collier de nouilles. Pourtant, plus d’une fois, on y déniche une pépite littéraire.

[sib id= »21″ title= »Téléchargez le catalogue » submit= »Je télécharge »]

La vengeance, ce vaudeville sanglant

La valeur d’un livre

L’équivalent de la découverte d’un objet d’une grande rareté dans une décharge, puisque ce sont des ouvrages dont leurs propriétaires se sont débarrassés comme s’il s’agissait de littérature bas de gamme. Contre monnaie sonnante et trébuchante, certes, mais si l’on peut donner un prix à un livre, il est impossible d’en estimer la véritable valeur. Ou ses valeurs. Alors pourquoi s’en séparer ? Manque de place ? Besoin d’argent ? Cadeau de Noël peu apprécié n’ayant pas connu cette époque où il suffit d’un clic pour trouver preneur et s’acheter une chose convenant plus aux goû32341ts de celui l’ayant reçu ? Je n’en sais rien. Et je me poserai cette question plus en profondeur un autre jour, car ça fait tout de même deux paragraphes que je fais allègrement du hors-piste par rapport au sujet de cet article.

Quand les portes qui claquent dégoulinent de sang

Sortant de chez ce bouquiniste avec entre autres Légendes d’automne (où figure Une vengeance… en compagnie de deux autres « miniromans ») fourré dans un sac en plastique dont les vertus écologiques ne sont plus à prouver, j’ignorais quel choc j’allais bientôt ressentir. Pour résumer l’intrigue de Une Vengeance… succinctement et de façon un peu triviale (oui, je sais faire deux choses en même temps. Quel homme !) : un cocu se venge de celui qui l’a cocufié avant que ce dernier entreprenne de se venger de lui à son tour. On dirait du Feydeau où une porte claque derrière l’amant qui se cache. À la différence notoire qu’il s’agit de tout sauf d’un vaudeville. C’est d’une violence désespérée, d’une cruauté où nulle fissure ne laisse pénétrer une once d’empathie. C’est un chagrin où la douleur glace l’âme, arrachant du cœur le moindre battement le freinant dans l’atteinte de son objectif. C’est une vengeance qui en amène d’autres, en même temps qu’elle assène au lecteur un coup au foie à chaque palier franchi.

Les mécanismes de la vengeance

Si vous désirez construire un personnage dont la vengeance est le but principal et, par répercussion, ce qui donnera sa chair à votre histoire, il est utile de bien appréhender quels en sont les différents moteurs. D’ailleurs, si ça intéresse quelqu’un, je revends ma vieille 206 Peugeot. Bon. Le déclencheur de la vengeance est généralement un sentiment de rejet de qui l’on est. Si l’on dépasse le stade colérique de cette déconsidération de soi, en prenant le temps de se dire que nous n’existons pas uniquement à travers les yeux de la personne qui a entraîné chez nous ce sentiment d’auto-dévalorisation,  nous sommes capables de le surmonter et de passer à autre chose. Dans un monde idéal.

[sib id= »21″ title= »Téléchargez le catalogue » submit= »Je télécharge »]

Pulsion millénaire et macération de sombres pensées

Scénariser son envie de vengeance pour en rendre la cause supportable

Le problème est que la vengeance est avant tout une pulsion millénaire pouvant s’avérer irrépressible et amenant parfois à commettre le pire dans l’instant. Autant dire que si vous la traiter ainsi, le suspense tournera court et cette vengeance servira plutôt de point d’ancrage dans votre récit pour dicter la conduite de votre personnage. Qu’il doive par exemple, comme dans L’homme qui voulait vivre sa vie, de Douglas Kennedy, changer du tout au tout ce qui régissait son existence. Si tel n’est pas le cas, l’idée même de la vengeance permet de l’envisager sous un angle agréable en cela qu’elle se substitue pour un temps – celui séparant le personnage du moment où il l’effectuera effectivement – à l’affront qu’on lui a fait subir. Cette sorte de zone tampon lui laisse le temps d’échafauder différents scénarios afin que celle ou celui l’ayant plongé dans un profond mal-être ressente à son tour la même affliction.

Une vengeance emprisonnée est une bombe à retardement

C’est dans ces scénarios-là que vous devrez piocher pour caractériser votre personnage. Ils constitueront son carburant, ce qui le fera agir pour parvenir à ses fins. Le film « Les nerfs à vif » (dont je n’ai hélas vu que le remake), dans lequel un homme en veut à son avocat de la défense dont la plaidoirie, à l’éthique professionnelle entachée, enverra son client derrière les barreaux pendant quatorze ans, est la base d’une vengeance. Je suppose que tout ce temps passé à l’ombre facilite les moyens auxquels ce détenu (interprété par Robert De Niro, pour donner une idée du personnage à qui n’a pas vu ce film) songe afin de nuire à cet avocat, une fois sorti de taule. L’entièreté de l’intrigue repose sur la menace que De Niro fait peser peu à peu sur son ancien défenseur (joué par Nick Nolte). Sur les pensées mauvaises qui ont macérées dans son esprit en prison et qu’il peut mettre en œuvre dès sa remise en liberté.  

L’épluchage de la vengeance

Avant de revenir à Jim Harrison, je me dois de citer un des modèles du genre, j’ai nommé Le Comte de Monte-Cristo. Lui aussi passa quatorze ans captif, au château d’If. En passant, je précise que cette rime m’a valu le Lamartine d’or. Qui a dit « Lamartine à la plage » ou « Lamartine à la ferme » ? Je m’en fiche. Je me vengerai. Alors, pour les quatorze années d’emprisonnement, coïncidence ou clin d’œil posthume de Martin Scorsese à Alexandre Dumas ? Va savoir ! Maintenant, voyons quelles forces on doit rassembler pour préparer une vengeance aux petits oignons. Attention, ça risque de piquer les yeux à l’épluchage…

[sib id= »21″ title= »Téléchargez le catalogue » submit= »Je télécharge »]

Tactiques et procédés de la vengeance

Enfreindre les derniers codes civilisés

Se venger digne de ce nom réclame une tactique, des procédés utilisés pour impressionner ou/effrayer l’objet de sa vindicte. Si, comme le dit l’adage, la vengeance est un plat qui se mange froid, le vengeur doit entretenir sa fureur aussi brûlante qu’au moment où elle a été provoquée. Même des années après, dans le cas d’une incarcération, ou durant plusieurs semaines voire plusieurs mois, dans l’hypothèse où l’on possède la liberté de mouvements permettant d’en huiler tous les rouages. Peu importe le temps que cela prendra, au fond : le moment où le refus de se raisonner étant passé, celui de passer à autre chose hors de portée, votre personnage basculera définitivement loin d’un comportement civilisé bien qu’en détenant toujours les codes.

Le regard du griffon

Dans Une vengeance…, Jim Harrison ne pleure pas sur la marchandise quand le « méchant » cornard de son histoire, Tibey, s’en prend à l’homme (Cochran) et la femme (Myrea) qui, à ses yeux, l’ont humilié. Quand vous lirez ce passage, à moins que vous ne le connaissiez déjà, il faudra tenir compte de la précaution que Harrison, se faisant narrateur, nous chuchote à l’oreille quand il écrit : « Éloignons-nous maintenant des amants au repos. Perchons-nous sur le manteau de la cheminée, tels des griffons au regard de pierre ; il est d’ailleurs préférable d’avoir un regard de pierre pour assister à ce qui va suivre. ». Parfois, la vie fait que nous aimerions être ce griffon des yeux duquel aucune larme de pitié ne peut couler. Aucun griffon ne me lisant, aux dernières nouvelles, je préfère vous faire grâce de ce passage pour aller un peu plus loin. Tiens, juste en-dessous, par exemple.

Comme un vent froid, dur et clair

Voici dans quel état d’esprit se trouve Cochran, le « héros » après qu’on s’est acharné sur lui : « Il avait été battu au-delà de tout désir de vengeance. […] Incapable de céder à l’oubli, son esprit fonctionnait curieusement et lui présentait en détails minuscules tout ce qui s’était passé jusqu’à l’insupportable moment présent. Il ne pouvait échapper à aucun souvenir, pas plus qu’il ne pouvait se libérer des étroits bandages qui serraient sa poitrine. […] Cette nuit serait la plus longue et l’énergie qui l’animait était semblable à quelque vent froid, dur et clair, soufflant dans l’obscurité de sa chambre. »

[sib id= »21″ title= »Téléchargez le catalogue » submit= »Je télécharge »]

Avant de passer à l’acte

Le bouillonnement d’une trajectoire

Ce passage où de petites scènes lui reviennent, de souffrance ou de bonheur, sont les coups de marteau et les soudures forgeant et renforçant sa vengeance. Les souvenirs dont il lui est impossible de se libérer comme le font ses bandages l’enferment littéralement corps et âme dans une pensée obsédante pour l’heure à l’état brute. Même si ce n’est pas formulé explicitement, sa vengeance commence à ronronner comme une voiture qu’on ferait chauffer un matin d’hiver (et pour ma 206, au fait ? Pas de nouveau ?). Cochran est dans un très sale état, mais il regroupe déjà les forces qui bouillonnent en lui et les domptent pour leur imposer la seule trajectoire qui vaille désormais : celle qui le mènera jusqu’à Tibey, à qui il doit d’être alité, le corps meurtri et le cœur en miettes. Et d’ignorer la façon sordide dont il a « puni » Myrea.

De la gouttelette au flot de haine

On verra dans de détail, lors de la seconde partie de cet article, les différentes graduations d’une vengeance étudiée pour agir sur la personne visée avec des agissements qui, de faussement anodins, deviendront cruels jusqu’à que la personne détestée perde pied le plus efficacement possible. Au point d’abandonner le moindre espoir que la rancœur qui s’ébranle en sa direction en change au dernier moment. Que quelque chose d’inéluctable va lui arriver sans qu’elle puisse l’empêcher. Qu’elle le mérite ou non, elle se noiera dans le flot de haine que le vengeur déversera sur elle. J’espère qu’il ne s’agit pas de la personne qui comptait m’offrir un bon prix pour ma 206 Peugeot…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

L'actualité

Notre espace d’actualités, où l’apprentissage et la découverte ne connaissent aucune limite.

Écrire plus efficacement grâce à la théorie des contraintes

Peut-être connaissez-vous cette expression frappée au coin du bon sens : « Une chaîne n’est jamais plus solide que son maillon le […]

L’importance des sourires de lecture

Parmi les romans qui nous ont marqués, les nouvelles dont la chute donne encore le vertige à notre mémoire ou […]