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L’incrédulité du lecteur sur le fil

Sommaire

Sur le fil à linge de l’imagination, un auteur se doit d’étendre l’étoffe un peu rugueuse qu’est l’incrédulité de son lecteur. Pour l’assouplir. La faire flotter au vent de son inventivité. Lui donner un pli qu’à première vue elle n’était pas destinée à prendre. Pour s’envoler au-delà des a priori, elle nécessite d’être allégée du poids du scepticisme, l’incrédulité. Mais cessons de parler chiffons, et voyons un peu comment on peut provoquer sa suspension chez la personne nous faisant l’honneur de nous lire…

L’incrédulité entre la vie et la mort

Au fait, je suis mort

J’ai lu la semaine dernière un court roman italien m’ayant inspiré cet article. L’argument est simple : le personnage-narrateur, un homme habitant un endroit isolé, fait un jour la connaissance d’un garçon ; une relation amicale se noue alors entre eux. L’homme apprend par la suite, et le lecteur avec lui, que ce nouvel ami est en fait mort, en dépit des discussions et des repas partagés par le curieux duo. À partir de cette révélation, le comportement du personnage-narrateur ne change guère. Ses visites chez ce compagnon décédé et avec qui il communique pourtant ne cessent pas, jusqu’à un épilogue donnant lieu à l’interprétation qu’on voudra bien en faire…

Les incrédules anonymes

Je me vois au regret de ne pouvoir donner à mes aimables lecteurs le titre de ce roman, pas plus que le nom de son auteur, et ce pour une raison évidente : quiconque entreprendrait de le lire en ayant à l’esprit les éléments que je viens d’évoquer verrait inévitablement le plaisir de la découverte annihilé. En revanche, je peux m’appuyer dessus pour aborder l’un des concepts les plus importants de la narration, à savoir la suspension consentie de l’incrédulité. Un bref rappel pour dire qu’il s’agit d’une opération mentale effectuée par le lecteur par laquelle il met de côté son scepticisme afin de s’immerger dans un univers fictif.

La cohérence de la singularité

Ce que l’auteur dit est donc tenu pour vrai, non pas parce que c’est lui qui le dit, mais en raison de la cohérence interne dont il fait montre dans son histoire afin qu’on accepte la singularité de ce qu’il raconte. Cela nécessite de sa part de préparer le terrain : dans « mon » roman italien, on n’apprend pas de but en blanc que l’ami est mort. Il y a tout un travail exécuté en amont, par petites touches, pour qu’un sentiment d’étrangeté imprègne peu à peu le récit. C’est ce lent conditionnement du lecteur qu’un auteur doit mener à bien s’il veut l’entraîner à sa suite. Retenons ce maître mot pour y parvenir : cohérence.

L’incrédulité pas à pas

Ces petits riens bizarres

L’auteur italien a décidé de ne dévoiler le statut macabre du garçon qu’après s’être appliqué à diffuser un sentiment d’irréalité dans le quotidien du personnage-narrateur. Celui-ci relève quelques bizarreries, les objets et vêtements d’une autre époque que le garçon possède, par exemple. Des petits riens le troublant et faisant retentir dans l’esprit du lecteur une lointaine alarme annonçant on ne sait trop quel événement vaguement inquiétant ou dont on imagine le caractère déroutant sans en saisir la nature.

Le pas de côté narratif

Cette ambiance particulière dessine graduellement, en toute cohérence, le trait d’union qui reliera une situation intrigante à son prolongement teinté de réalisme magique. En tout, l’auteur consacre ainsi plus de la moitié du livre – environ 110 pages sur 185 – à exposer la situation initiale avant que l’élément perturbateur survienne. Une fois atteint ce point de basculement entre la vraisemblance et l’altération de la normalité, l’histoire s’enrichit d’un nouveau potentiel. Ce pas de côté narratif trouve son intérêt dans ce qu’il amène de surprenant, mais aussi dans le fait que la même histoire nous est ensuite racontée différemment, à la lumière de cet élément surnaturel.

Questions et réponses

La question posée dans la première partie du livre était double : le personnage-narrateur se demandait qui logeait dans une maison visible depuis son hameau déserté et dont il apercevait la lumière s’allumer chaque soir. Puis, une fois connue l’existence du garçon, il se questionnait sur la raison pour laquelle lui aussi vivait absolument seul alors qu’il était encore en âge d’aller à l’école. Apprendre de la bouche du garçon que ce dernier, contre toute apparence, était mort, est la résolution d’une énigme en révélant une plus grande encore. La suspension d’incrédulité fait ici office de clef de compréhension tout autant que d’ouverture vers des possibles insoupçonnés au départ de l’histoire.

Doit-on croire en l’uchronie ?

La différence de mise en place

La suspension de l’incrédulité rend acceptable une idée se heurtant à notre connaissance – ou notre perception – habituelle du monde. En cela elle peut constituer une porte d’accès à l’uchronie. Il faut toutefois voir dans la suspension un processus cognitif utilisable dans différents types de fiction quand l’uchronie constitue un genre à part entière. Par ailleurs, dans l’uchronie, la suspension d’incrédulité est admise d’emblée et ne recourt pas à la même mise en place.

Le point Godwin de l’incrédulité

Dans Le maître du Haut Château de Philipe K. Dickpar exemple, le lecteur doit adhérer avant même de lire la première ligne au postulat selon lequel l’Allemagne nazie a remporté la Seconde Guerre mondiale. L’approche intellectuelle d’une telle œuvre est donc à la fois proche dans son intention de la suspension d’incrédulité mais s’en éloigne par l’immédiateté avec laquelle elle s’impose. Qui l’eût cru ?

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