6 techniques à tester pour écrire plus vite : se donner un cadre, un objectif, une limite de temps, des pauses, alléger son texte et son esprit… et recommencer !
Première partie
Il arrive qu’on s’agace de ne pas avancer aussi vite qu’on le voudrait dans notre écriture, jusqu’à ressentir la pénible impression de stagner. C’est un sentiment décourageant qui, s’il tend à s’installer, peut déboucher sur un blocage susceptible de mener à l’abandon pur et simple d’une histoire qui nous tenait pourtant à cœur. Voyons comment, grâce à quelques techniques faciles à mettre en œuvre, on peut éviter de céder au renoncement et réussir à augmenter notre capacité de travail…
Mise en échec de la lenteur par l’identification et la réflexion
Le changement qui ne change rien
Quand leur histoire ne progresse pas, certains auteurs en herbe estiment préférable d’en commencer une autre, porteuse, croient-ils, de la promesse d’un regain d’énergie créatrice. C’est hélas se bercer d’illusions de penser qu’en se contentant de changer de sujet les écueils s’aplaniront d’eux-mêmes. Tôt ou tard, on se retrouvera confronté aux difficultés qui nous avaient conduit à abandonner le projet précédent. La raison en est connue : un échec dont on n’a pas identifié la cause se reproduit systématiquement. Passer à une nouvelle histoire ne résout donc absolument rien. Certes, l’idée qu’un sujet plus stimulant qu’un autre soit propice à remobiliser notre intellect et nos ressources imaginatives n’est pas dénuée de sens. Mais pour capitaliser sur cet élan, il faut procéder au réajustement de certaines de nos méthodes d’écriture.
Le temps d’être efficace
Les problèmes rencontrés lors de la construction d’un texte peuvent en partie s’expliquer par une mauvaise organisation de notre séance de travail. Plongé dans notre histoire, on ne se réserve pas assez d’espace mental afin d’étudier, pour en venir à bout, les obstacles se dressant devant nous au fil des chapitres. En vue de s’aménager ces moments de réflexion au sein d’une période d’écriture, il faut déjà savoir de quelle façon gérer celle-ci. Dans cette optique, il est nécessaire de connaître la durée considérée d’ordinaire comme utile et efficace à l’élaboration d’un texte. On mesurera mieux ainsi combien de temps il faut lui consacrer en tenant notamment compte de la qualité et de la rentabilité obtenues au regard de l’effort fourni…
Ne franchissez pas ce seuil
En moyenne, on juge qu’un auteur est efficace s’il parvient à écrire un feuillet – soit 1500 signes espaces compris –, en 45 minutes. Pas le bout du monde. Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si la loi d’Illich (1) établit que quel que soit le travail effectué, poursuivre son effort au-delà de cette durée s’avère contre-productif. Un seuil d’efficacité qu’il convient donc d’éviter de franchir. Voyez, à ce stade de mon article, j’en suis à un peu plus de 2600 caractères, autant dire que je n’en manque pas. De caractère. Suis-je dans les clous par rapport au ratio que je viens de vous indiquer ? Oui, enfin, à 6 heures près, on ne va pas non plus chipoter. Je plaisante bien sûr, pour souligner qu’il s’agit d’un repère sur lequel chacun peut se baser afin d’évaluer grosso modo sa marge de progression sans pour autant devenir un maniaque de la trotteuse.
L’importance du bloc de travail
Un p’tit coup d’œil à la pendule
Vous l’aurez toutefois compris, s’il est inutile d’enclencher le chrono quand vous vous mettez à écrire, cela ne doit pas vous empêcher de jeter un p’tit coup d’œil à la pendule pour voir où vous en êtes aux environs des trois quarts d’heure de boulot. C’est important de pouvoir se référer à un « bloc de travail ». Prendre conscience de ce qu’on peut accomplir dans un temps donné permet d’organiser ses journées d’écriture, ce qui représente un excellent moyen d’optimiser son rendement. Ne soyez pas heurté par ce dernier mot qui pourrait évoquer la mécanisation de notre pensée pour produire du texte banal à la chaîne, car c’est tout l’inverse. Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises et écrit de diverses façons : un cadre, qu’il soit temporel ou non, ne bride pas l’imagination mais permet qu’elle s’y appuie.
Fougères ou cible ?
Bien, vous avez donc trois quarts d’heure devant vous, avec une marge de dépassement qu’il vous appartient de réduire le plus possible. N’oubliez pas, ce n’est pas une contrainte, mais un moyen de se fixer un objectif dont il ne me semble pas utile de rappeler la puissance. Ou alors, vite fait : prenez un arc, allez en forêt, tirez une flèche dans les polypodes vulgaires, fougères pour les intimes, dans lesquelles elle se perdra. Vous voilà bien avancé. Maintenant, dans cette même forêt, accrochez une cible à un tronc, essayez d’atteindre le centre de cet espace délimité. Qu’est ce qui est le plus motivant, vous lancer dans une recherche hasardeuse ou essayer d’atteindre le cœur de la cible ? Ne me remerciez pas pour cette métaphore d’une pertinence ahurissante, on m’encourage à en commettre en me versant des droits d’auteur.
Respirez à bloc !
L’autre bénéfice de fonctionner par bloc de travail est de s’obliger à des pauses régulières sans lesquelles l’esprit peine à se régénérer. Ne pas s’accorder ces respirations se traduit à plus ou moins long terme par le tarissement de nos idées, un moindre enthousiasme, et rend notre vision du texte moins affutée. Il ne s’agit pas de demeurer trop longtemps éloigné de sa page d’écriture, mais d’être intellectuellement frais et dispos quand on y retourne. Par ailleurs, il est plus que recommandé de s’ébrouer de temps à autre hors de l’enclos pixellisé qu’est notre écran d’ordinateur dont on connaît tous le pouvoir hypnotique… et la fatigue que sa trop longue contemplation engendre. Vous avez dû le remarquer comme moi : plus on se frotte les yeux, moins il devient facile d’avoir les doigts sur le clavier et de regarder ce qu’on vient d’écrire…
Le paragraphe était presque parfait
Quand la perfection bouche les canalisations
Considérons que vous maîtrisez à présent, à dix minutes négociables près, la gestion de votre espace de travail, de votre bloc. Qu’y inclure ? Un procédé qui, sûrement, vous fera gagner un temps précieux – passé le moment d’effroi qu’il va susciter à l’instant où vous allez découvrir ce dont il s’agit. Vous ai-je précisé qu’une solution radicale ne m’effrayait pas si elle se justifiait ? Comme de supprimer un paragraphe dont vous êtes pleinement satisfait, par exemple. Le paragraphe parfait. À un détail près : irréprochable d’un strict point de vue littéraire, il forme néanmoins un bouchon de graisse textuelle dans les canalisations de votre histoire et vous empêche d’aller plus loin. Pourquoi ? Car en dépit de ses indéniables qualités intrinsèques, il est d’une manière ou d’une autre en marge du but que vous vous êtes fixé.
L’entêtement chronophage
Vous venez donc d’aligner une quinzaine de phrases dont chaque mot pourrait se refléter dans la lame de l’épée d’un académicien sans en ternir l’éclat. Seulement, ces lignes impeccables ne coïncident pas avec l’idée que vous êtes en train de développer. Ni ne collent avec le ton d’ensemble de votre texte. Ou encore, elles altèrent le rythme de l’action en cours ou créent une rupture de logique, et ce quel que soit l’endroit du texte où vous tentez de les intégrer. Pourquoi insister lorsqu’un paragraphe, malgré sa valeur littéraire, n’a manifestement aucune place dans votre histoire ? Je ne dis pas qu’il ne faille pas persévérer, mais bien d’éviter que ça tourne à l’entêtement stérile… et chronophage. Vous ne retirerez aucun intérêt à conserver un paragraphe desservant votre récit, ou plus précisément, à vous l’imposer.
Le leurre du paragraphe universel
Car il s’agit bien de ça : sous prétexte que ce passage est brillant, vous acceptez qu’il devienne une entrave à la bonne marche de votre récit. Vous lui trouvez même plus d’atouts qu’il n’en possède, jusqu’à y voir une sorte de paragraphe universel apte à convenir à tous types de situations, d’histoires, de genres… Vous l’idéalisez même au point d’envisager de reconstruire votre chapitre autour de lui. Et après tout, pourquoi ne pas s’en servir pour débuter une nouvelle histoire, puisque de toute évidence vous ne parvenez plus à vous dépêtrer de celle qui est en cours ? Tiens, ça me rappelle le premier paragraphe de cet article, celui intitulé Le changement qui ne change rien. Amusant, non ?
Un résumé, vite !
Définissez votre bloc de travail idéal en veillant à en limiter la durée de façon à demeurer productif.
Considérez-le comme un objectif qu’il est possible d’atteindre plusieurs fois par jour.
Débarrassez-vous d’un paragraphe qui vous bloque : libéré de l’attention quasi obsessionnelle qu’il lui réclamait, votre esprit recouvrira rapidement de la disponibilité pour progresser dans votre histoire.
Référence : La loi d’illich au sujet de la productivité
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