Écrire une histoire nécessite d’évacuer de vieux souvenirs d’école et de mauvaises habitudes comme la rétention d’information, le bavardage, la mollesse, les longueurs, l’absence de stratégie… bref d’éviter d’écrire au fil de la plume comme les idées vous viennent.
Dans la façon de raconter une histoire, hormis le choix des mots et la manière d’amener un événement plus ou moins important jusqu’à son paroxysme comme évoqué dans la première partie de cet article, d’autres aspects primordiaux sont à étudier très attentivement… Je vous suggère donc de nous y intéresser dès à présent…
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Comment raconter une histoire
La stagnation narrative
La narration des bras croisés
Parmi les défauts qu’il n’est pas rare de relever chez les auteurs débutants, j’ai constaté ceux consistant à se montrer dans l’incapacité d’insuffler de « l’énergie » à leur histoire. Champions du surplace ou adepte de la rétention d’informations, ils donnent le sentiment de ne surtout pas vouloir faire progresser leur récit. Bien sûr, ce n’est pas à dessein. Je vais développer ces deux travers narratifs assez fréquents, et vous verrez qu’il n’est pas si difficile que ça de les corriger. Enfin, il y a quand même une petite condition pour y parvenir : ne pas compter les heures de travail nécessaires afin de mettre un coup de turbo à une intrigue. Vous n’espériez tout de même pas que ça allait se faire en se croisant les bras, si ? Je dis ça, car écrire les bras croisés, ce n’est franchement pas facile !
On n’est pas là pour papoter
Pourquoi certains textes nous procurent-ils une impression de stagnation ? Comment se fait-il, passé une soixantaine de pages, que rien de bien important ne paraisse s’être déroulé en dépit d’une galerie de personnages assez fournie et d’enjeux plus ou moins dessinés ? Eh bien, plusieurs causes à cela. Commençons par la propension de l’écrivain en herbe à confondre dialogues et bavardages. Un dialogue possède plusieurs fonctions : exposer un problème, et éventuellement le résoudre au terme des répliques échangées entre les personnages. Voire trouver la solution au problème posé par un nouvel échange situé plus loin dans le texte suite à la connaissance de nouveaux faits ou à la survenue de situations permettant de répondre à des questions jusque-là restées sans réponse.
Quand la neutralité tue l’intérêt (et accessoirement, le lecteur)
Raconter une histoire, ce n’est pas faire du remplissage. Chaque phrase compte, aucune ne doit être neutre dans le sens où elle n’apporterait rien à la construction de ladite histoire. Attention, je ne dis pas que lors d’un dialogue chaque ligne est obligée de proposer quelque chose de déterminant par rapport à l’effet recherché au moment où le dialogue se clôt, non. En revanche, chacune d’entre elles a pour fonction d’occasionner un rebond vers la suivante pour assurer une intensité constante et/ou une escalade débouchant sur un pic, qu’il s’agisse d’une révélation, de la prise de conscience d’un personnage ou de sa mise en danger, etc. Il en va de l’intérêt du récit. Alors ne parlez pas dans le vide au risque d’y précipiter votre lecteur !
Le mystère impréparé
De l’utilité de la banalité
Si rien n’empêche l’utilisation d’une phrase banale dans un dialogue, du genre « Bon sang, quelle chaleur aujourd’hui ! » (vous pensez que le bruit incessant du ventilo dans mon bureau depuis trois jours me l’a soufflée ?), n’oubliez pas que vous n’êtes pas une présentatrice ou un présentateur de bulletin météorologique, mais bien un conteur. Et qu’à ce titre, le fait que la canicule soit de la partie ou qu’une tempête de neige s’annonce doit constituer un élément qui aura une incidence plus ou moins grande sur la scène à venir où sur un des points précis de l’intrigue. Une ligne de dialogue des plus communes n’est à envisager que dans la perspective où elle conférera une dimension supplémentaire à un passage prévu à l’avance – ou en éclairer un ayant déjà eu lieu. Passons maintenant aux « rois » du mystère…
Ça sent l’amateurisme
Des écrivains novices s’imaginent qu’en en ayant dit le moins possible au cours de leur nouvelle ou de leur roman alors que son issue approche, ils vont créer un effet bœuf lors de la dernière ligne droite. Un choc. Mais retarder le plus longtemps le fin mot d’une histoire parce que son auteur aura été chiche en indices est le plus souvent un mauvais calcul. Tout simplement car en ménageant ses effets à l’excès, on perd son lecteur en cours de route. Les petites phrases mystérieuses du style « Mais il ne savait pas ce qui l’attendait », si elles ne sont pas assez vite suivies d’une réponse ou d’une explication, seront sauf exception source d’un rapide désintérêt. Et lorsque ce procédé se répète, un seul constat s’impose : cette façon de raconter une histoire sent l’impréparation à plein nez. Alors vous savez quoi faire afin de ne pas passer pour un amateur…
Bouquin et balcon
Rien de plus irritant pour un lecteur de voir qu’une énigme soumise à sa sagacité soit expédiée en recourant à de grosses ficelles s’entremêlant en un nœud des moins attachants. Pour dire les choses autrement : quand l’auteur met peu d’ardeur à bâtir une intrigue digne de ce nom, le lecteur n’apprécie que très moyennement sa paresse d’esprit au prix d’une quasi illisibilité de la trame et de sa finalité. Ce qui révèle dans la majorité des cas une inaptitude à gérer un suspense de manière cohérente. D’un point de vue personnel, ça ne me dérange aucunement qu’un écrivain me « balade » si c’est fait avec finesse et ingéniosité ; au contraire, je suis ravi que son savoir-faire m’apparaisse à la lumière du dénouement, lorsque toutes les pistes se rejoignent en une implacable logique. À l’inverse, quand le recours à la rétention d’indices ou aux phrases allusives sans réel contenu ne constituent qu’une parade malhabile dans une vaine tentative de masquer une faiblesse narrative, je ne suis pas loin de me mettre en rogne et de foutre le bouquin par la fenêtre (désolé, toi le passant qui se trouvait sous mon balcon à ce moment-là).
Pour finir, et pour continuer…
Je n’en ai pas fini, s’agissant de la façon dont il est possible de raconter une histoire… j’ai encore quelques astuces dans ma besace, et elle fait son poids ! Alors si je peux l’alléger un brin en vous refilant des petits conseils sans prétention, je le ferai bien volontiers ! Je n’oublie jamais une chose : le monde littéraire est vaste, mais aussi brillant soit-on, la place qu’on y occupe est minuscule…
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Voir aussi
La structure d’une histoire | Samantha Bailly, auteur jeunesse