Hourra ! Sans crainte de la page blanche, vous vous ruez empli d’énergie créatrice sur votre clavier : rien ne va vous arrêter ! La preuve ? Les mots affluent à votre esprit avec aisance, s’enchaînent en des phrases d’une pertinence qui résisteront aux plus redoutables critiques… Puis survient la conscience d’une évidence brisant net cet impétueux élan : vous avez confondu l’envie d’écrire avec l’illusion de savoir quoi dire…
Le gaspillage des idées
Les envolées du néant
L’envie d’écrire constitue toujours une enthousiasmante mise en mouvement intellectuelle. Soudain, on fourmille d’idées. Des paragraphes gorgés d’images frappantes et de réflexions profondes se forgent dans notre esprit. Cet entrelacs s’impose alors à nous avec une force impérieuse nous faisant jeter nos arabesques imaginatives sur la première feuille venue. Sans penser à rien d’autre qu’à ces phrases séduisantes, et surtout pas à leur point de convergence ni à leur finalité, on se laisse griser en oubliant l’essentiel : écrire au hasard est le plus court chemin vers le néant littéraire.
Le lierre de l’histoire
La raison ? À aucun moment la nécessité d’une ligne directrice claire ne nous a préoccupé. Pourquoi réfléchir à ce que l’on va écrire, d’ailleurs ? On a tellement de matière à fournir à notre lecteur ! Dialogues éblouissants et scènes émouvantes surgiront au gré de rebondissements à couper le souffle, puisqu’on a tout en tête. Ou presque. Nos jolies trouvailles finiront bien par devenir le lierre qui s’agrippera à une histoire quelle qu’elle soit, croit-on. Vraiment ?
Ces idées qui ne vont nulle part
Non, évidemment. La réplique drolatique dont on souriait encore au moment de s’installer à notre table de travail et qui devait faire mouche à tous coups provoque désormais chez nous une moue dubitative. Quant à ce passage dont le lyrisme avait flatté le poète en nous, il semble bien gnangnan à présent que notre inspiration a perdu de sa formidable énergie. Ce qu’on croyait urgent d’être écrit ne possède subitement plus son indispensabilité. Puis, tout cela ne mène nulle part. Au point qu’on commence à voir se profiler inexorablement l’impasse où s’entassent les idées gaspillées…
Avez-vous la réponse ?
Alimenter son contenu
Il est fréquent qu’un auteur débutant se berce d’une vision romantique de l’écriture. Celle où une voix intérieure le guiderait infailliblement sur le chemin d’un chef-d’œuvre – du moins jusqu’au moment où il réalise qu’il s’est perdu dans des méandres textuels sans issue. Ce constat établi, des questions basiques qu’on aurait dû se poser avant de se laisser happer par la frénésie d’écrire nous viennent. Qu’avais-je l’intention de dire ? De transmettre à mon lecteur ? Quand on est incapable de répondre à ces interrogations, il ne faut pas s’étonner de s’être laissé aller à un style sans substance. Or, les tournures les plus splendides ne génèrent pas de contenu, elles sont là pour l’alimenter.
Pourquoi l’on écrit
Cette évidence admise, comment s’y prendre pour repartir du bon pied ? D’abord, étudier comme il se doit la nature de votre projet. C’est le préalable à tout travail littéraire : choisir un cap pour son texte, lui donner sa raison d’exister avant d’en avoir écrit la moindre ligne. Marguerite Duras a brillamment résumé ce que doit être notre état d’esprit au moment où l’on entreprend l’écriture d’un ouvrage : « On n’écrit pas pour dire quelque chose. On écrit parce qu’on a quelque chose à dire. »
Libérateur d’imagination
Certain(e)s ont du mal à concevoir combien donner une direction à son texte est un don pour leur créativité. Pourtant, c’est le cas. À partir du moment où l’on sait vers quoi diriger notre pensée, on éradique la tentation du remplissage au profit d’une expression signifiante. Fini le bla-bla, la plume courant à perdre haleine dans tous les sens avant de s’essouffler et ne plus jamais repartir. Avoir une raison d’écrire, et savoir quoi, c’est libérer les fragrances les plus pures de notre imagination sans redouter qu’elle se dilue dans d’inutiles digressions.
Savoir de quoi l’on parle
Du sens, naturellement
Quand on a clairement défini ce dont on souhaite parler, c’est avec naturel que chacune de nos scènes prend du sens. Elles n’apparaissent pas au petit bonheur la chance, au gré d’une envie subite. De même, un décor dépasse son côté purement descriptif pour s’inscrire pleinement dans une ambiance. Un dialogue n’est plus un bavardage, chaque réplique dévoilant une intention entrant en cohérence avec l’histoire qu’on raconte. Le style ne se cantonne pas à l’enjolivement des phrases, il s’incarne dans les personnages, les gonfle de vie.
Être concret pour ne pas s’égarer
Pour exposer avec clarté l’orientation de votre sujet, soyez concret. Notez spontanément ce qui vous traverse l’esprit pour répondre à une phrase comme « Voilà ce que je veux dire en écrivant ce texte ». C’est votre rampe de lancement. Demandez-vous quelle importance cela revêt pour vous d’en parler. Ce que cela vous inspire. Explorer le plus de pistes possibles afin que votre discours soit constamment nourri de vos réflexions. Qu’elles en constituent les balises pour que jamais vous ne vous égariez.
Un modèle évolutif
Rassurez-vous quant à la crainte de voir votre imagination trop à l’étroit à l’intérieur d’un tel cadre : dites-vous que cette note d’intention n’est pas figée. Mieux, elle est évolutive. Des ramifications auxquelles vous n’aviez d’abord pas songé se grefferont peut-être à votre questionnement initial. À l’inverse, des développement envisagés à l’origine ne trouveront plus leur raison d’être au fur et à mesure de l’élaboration de votre récit. Mais vous conserverez un repère fiable. Il consolidera votre structure intellectuelle et renforcera votre ligne narrative. Et au bout du compte, votre lecteur trouvera à qui parler, puisque vous avez enfin quelque chose à lui dire…
