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Profil de détectives selon Dennis Lehane

Sommaire

J’ai estimé il y a peu qu’on ne s’entretuait pas suffisamment entre les quatre murs de mon bureau. Enfin, entre les pages des livres qu’il abrite, du moins. Il me fallait donc dégoter de l’auteur de polar pas fragile du stylo pour remplir les tiroirs de ma morgue littéraire. Parmi ceux ayant du sérieux dans leur holster, j’ai notamment découvert un auteur américain dont j’aimerais vivement vous recommander la lecture…  

À la santé de Dennis Lehane

Un duo qui trinque

Le nom de Dennis Lehane n’évoque peut-être rien pour certains d’entre vous, pourtant il ne m’étonnerait pas que vous ayez au moins vu une adaptation de l’un de ses romans au cinéma. Si je vous dis Mystic River (1) ou Shutter Island (2), probablement des visages de réalisateurs et d’acteurs mondialement connus vont-ils vous venir à l’esprit. Ce n’est cependant pas de ces immenses succès dont je vais parler, mais d’une série de six livres mettant à l’honneur un couple de personnages réguliers (3), Patrick Kenzie et Angela Gennaro. À noter toutefois qu’un des bouquins narrant l’une de leurs aventures, Gone, Baby, Gone, (4) a lui aussi été porté à l’écran. Je n’ai pour l’instant lu que les deux premiers, Un dernier verre avant la guerre (5) et Ténèbres prenez-moi la main (6), mais je pense qu’en un peu plus de 800 pages il ne soit pas interdit de se faire un avis sur la qualité de l’univers créé par Lehane autour de ces deux détectives.

Du terrain connu à la terre inconnue

Si l’on est en terrain connu concernant les codes habituels du polar/thriller, on s’aventure plus en terre inconnue s’agissant de la psychologie des personnages principaux et des sujets abordés. L’auteur a en effet apporté beaucoup de soin à leur caractérisation ainsi qu’au regard qu’ils posent sur des questions sociétales demeurant hélas d’une actualité brûlante un quart de siècle après la parution de ces romans, et ce avec une réelle originalité. Les liens donnant sa sève au duo d’enquêteurs vont par ailleurs bien au-delà d’un classique jeu de séduction, puisque se rattachent à l’histoire de chacun des souffrances et des fêlures qui à la fois les rapprochent et les éloignent l’un de l’autre. L’impression d’une fragilité permanente dans ce qui les unit, confrontée à la dureté de ce qu’ils doivent affronter, fait que rien ne semble acquis quant à leur association, voire à leur survie.

Une araignée dans la gorge

La sensibilité exacerbée de Kenzie et Gennaro les rend ainsi attachants sans que le trait soit forcé, simplement parce qu’à tour de rôle ils semblent lutter pour préserver la part d’humanité qui est en eux. Les personnages secondaires bénéficiant également d’un traitement tout sauf superficiel, les rapports que les différents protagonistes entretiennent offrent une cohérence narrative servant les événements plus vrais que nature liés aux enquêtes menées. Ce ne sont pas des intrigues rebattues que Lehane propose à son lecteur, et à mesure que s’emboîtent les poupées gigognes de l’horreur, on admire de quelle façon il a tissé une toile vous obligeant à déglutir pour faire passer l’araignée qu’il a fourrée au fond de votre gorge. Pour laisser le passage à la suivante qui sera forcément plus grosse. Beurk, dites-vous ? Mais non, voyons : vous verrez qu’à un tel niveau de maestria, c’est tellement délicieux qu’on en redemande !

Grimaces et sourires

La cruauté délayée par l’humour

Comme tout édifice arachnéen, la construction d’une histoire audacieuse par bien des aspects exige une maîtrise parfaite dont il fait montre à chaque page. Pour délayer un récit parfois poisseux de haines recuites, d’actes d’une intolérable cruauté, l’humour de Lehane autorise de fréquentes respirations hors du cloaque où se débattent ceux qui n’ont pas été épargnés par la noirceur du quotidien. Ce numéro d’équilibriste entre passages très sombres et paragraphes éclairés de délicieuses pointes comiques constitue une des réussites de ces romans. Cette capacité à transformer la grimace en sourire tout en proposant une intrigue biscornue à souhait sans jamais être embrouillée n’étant vraiment pas donné à tout le monde, je considère Lehane comme un des tout meilleurs du genre. Vous l’aurez compris, parmi toutes les balles qui sifflent dans ces deux bouquins, il y en a une qui s’est perdue dans mon cœur !

Faut pas prendre les détectives pour des cloches !

Patrick Kenzie et Angela Gennaro sont des amis d’enfance devenus des détectives complices dans l’âge adulte. Ils ont leur bureau dans le clocher – sans cloche – d’une église de Boston. Ils n’ont pas froid aux yeux, mais souvent chaud aux fesses. Ils ont pour sorte de protecteur Bubba, un sociopathe, et un ami dans la police, Devin, dont la qualité de ses descentes se mesure autant en verres qu’en arrestations musclées. Quand ils n’ont pas affaire aux politiciens véreux ou aux gangs, ils doivent se colleter avec des psychopathes ou des membres de la mafia bostonienne. Avec de tels ingrédients, l’emploi d’un shaker blindé est fortement recommandé tant le cocktail obtenu s’avère explosif ! 

La perspective du détective

Kenzie et Gennaro possèdent les défauts des gens désabusés par la nature humaine et les qualités de ceux espérant malgré tout en elle. Pris dans leurs contradictions, ils tentent tant bien que mal de vivre leur propre histoire tout en ne parvenant jamais tout à fait à se rendre imperméables aux conséquences de leurs engagements. Jusqu’à dépasser certaines limites dont le franchissement peut les hanter durablement. Pour camper ses deux héros et ceux constituant leur entourage, Lehane a choisi de faire de Kenzie son narrateur, exploitant ses failles et son attitude décontractée pour donner à la fois profondeur et légèreté à son récit. La façon dont l’auteur jongle avec les éléments complexes de la personnalité du détective a ceci de remarquable qu’elle immerge le lecteur dans l’histoire avec l’immédiateté des agissements de Kenzie en même temps qu’il bénéficie de son recul sur les choses. Ce n’est pas si fréquent qu’un écrivain parvienne à nous plonger au cœur des événements tout en les mettant en perspective. En résumé, Patrick Kenzie et Angela Gennaro sont deux détectives dont on ne doit surtout pas se priver…

Références

  • (1) Mystic River, Dennis Lehane,Éditions Payot & Rivages – Rivages/Noir.
  • (2) Shutter Island, Dennis Lehane, Éditions Payot & Rivages – Rivages/Noir.
  • (3) Ce lien vous mènera comme par magie vers l’article où je traite des personnages réguliers en long, en large, et parfois de travers.
  • (4) Gone, Baby, Gone, Dennis Lehane, Éditions Payot & Rivages – Rivages/Noir.
  • (5) Un dernier verre avant la guerre, Dennis Lehane, Éditions Payot & Rivages – Rivages/Noir.
  • (6) Ténèbres, prenez-moi la main, Dennis Lehane, Éditions Payot & Rivages – Rivages/Noir.

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