Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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Comment écrire une histoire très fluide

Sommaire

Première partie

Pour un lecteur, être confronté à une narration manquant de liant peut vite devenir rébarbatif, aussi intéressante l’histoire soit-elle. Afin d’éviter de l’agacer au point de le voir refermer votre livre après quelques chapitres pour ne plus jamais le rouvrir, l’agencement de votre texte doit répondre à certaines règles. L’enchaînement des paragraphes, entre autres, en est une dont il est indispensable de comprendre les articulations…

La progression

Arrêtez d’écrire n’importe comment

Ah, quel charmant intertitre pour entrer en matière, n’est-ce pas ? Faites comme moi : dites-vous que ce sont les autres qui sont concernés, et vous passerez une merveilleuse journée. Cependant, il me faut bien attirer l’attention sur une réalité : on constate souvent une certaine fantaisie dans la construction d’un texte chez les auteurs débutants. C’est normal : ils débutent ! Rien de grave, car quand on effectue ses premiers pas en littérature, on ne s’aperçoit jamais aussi bien de nos manques que lorsqu’on nous explique comment les combler.

Les éternels apprentis

On observe parfois en passant d’un paragraphe au suivant une discontinuité telle qu’on se demande s’il s’agit toujours du même récit. Je m’adresse donc à ceux-là, les plus cafouilleux, les pas bien organisés, les briseurs de logique. Les autres, qui maîtrisez à la perfection ce mécanisme narratif, vous pouvez tout de même lire cet article par-dessus leur épaule, ça me fera plaisir. Et, sait-on jamais, cela vous permettra-t-il peut-être de vérifier cette fameuse citation d’Ernest Hemingway selon laquelle « Nous sommes tous des apprentis dans un métier où personne ne devient jamais maître ».

Pensez constamment à progresser

Pour commencer, j’aimerais qu’à chaque moment consacré à l’écriture vous songiez à la notion de progression de votre récit. En écriture, le surplace est l’immobilisme de la pensée. Si une impression de redondance s’installe d’un paragraphe à l’autre, votre lecteur n’attendra pas sagement que votre cerveau entre enfin en ébullition pour s’assurer que vous avez bel et bien de la suite dans les idées. Non, ne comptez pas là-dessus. Je parle de la redondance en tant que frein narratif, à ne pas confondre avec l’insistance, qui bien employée sert de moteur à votre propos. À progresser. Nous y reviendrons dans la seconde partie de cet article.

Le développement

Le mot-socle

Un procédé extrêmement simple à mettre en application consiste à prendre ce que j’appelle un mot-socle et à l’exploiter. Ce peut-être un mot, justement, une phrase, une idée ou encore une image, l’essentiel étant qu’il donne du sens à votre propos et maintienne sa cohérence. Pour y parvenir, il s’agit tout bonnement de rebondir sur ce mot-socle, comme lorsque vous le feriez lors d’une conversation avec quelqu’un en réagissant au sujet qu’il aborde. Le cas classique

exposé dès à présent avec une rare pertinence va immédiatement vous faire saisir comment s’y prendre pour rythmer une histoire, mais aussi ce qu’il convient d’éviter pour ne pas qu’elle s’enlise.

Il fait chaud, hein ?

Cet intertitre d’une actualité brûlante à l’heure où j’écris ces lignes est typiquement le modèle où une idée peut périr étouffée dans les eaux stagnantes de la redondance ou au contraire accorder une bouffée d’air à votre récit en renouvelant l’oxygène de votre discours. Voyons ça sous la forme de l’amorce d’un dialogue :

« Il fait chaud, hein ? dit Barry en passant un mouchoir déjà humide de sueur sur son front luisant de transpiration. Il rangea pour la dixième fois de la matinée – au moins – le tissu peu ragoûtant dans la poche du jean rapiécé qu’il portait depuis une semaine et quêta la confirmation de l’évidence météorologique d’un regard à Marco, son ami de toujours. Voyant la réaction de ce dernier tarder, il ouvrit la glacière posée entre eux sur le plancher de la véranda où ils se tenaient dans des fauteuils usés. Il régnait là une chaleur étouffante, un bloc moite dans lequel chaque effort paraissait s’engluer. La languette métallique de la canette de bière de Barry produisit un son sec quand il la décapsula avant de la tendre à Marco, puis d’en prendre une pour lui. »

Ouais, vachement chaud !

C’est un paragraphe qui en vaut bien un autre, ma foi, pour l’usage que je compte en faire. Je l’ai écrit en songeant à dépeindre une situation où il est facile d’enchaîner par un autre passage dans lequel la banalité répondrait à la banalité et prendrait ses aises dans la narration. L’idéal pour mettre le récit au point mort et barber le lecteur au plus haut point ! Un vrai piège pour un esprit un brin paresseux ou peu vigilant, donc. Voici le genre de suite à ne surtout pas y donner :

« Ouais, mec, on crève de chaud. Même la nuit on dirait qu’on dort avec la porte du four de l’enfer ouverte. J’ai à peine fermé l’œil, et je me demande quand ce foutu soleil arrêtera de nous cracher à la gueule. Pas demain la veille si j’en crois le bulletin météo de ce matin. Ce week-end, ça devrait cogner aussi dur, si ce n’est plus.

— Bon sang, rien que d’y penser j’ai l’impression que je vais prendre feu, fit Barry en appliquant sa canette encore fraîche sur son visage après avoir bu deux longues gorgées de son breuvage alcoolisé.

— Pas étonnant, vu comment ça tape alors qu’il est à peine huit heures et qu’il n’y a pas un nuage à l’horizon. D’ici midi, ça va virer à la fournaise, bordel !

— On est partis pour une canicule, se lamenta Barry, ce à quoi Marco répondit par un soupir résigné, agitant mollement sa casquette de toile afin de s’éventer avec pour seul résultat de brasser de l’air presque brûlant.

— Sûr que oui, mec. Un coup à foutre les thermomètres dans le frigo si on veut en conserver un seul intact. »

Barry émit un petit rire pour saluer la boutade de Marco, puis tendit l’oreille, une soudaine lueur d’espoir dans le regard.

— Dis… c’est pas l’orage que je viens d’entendre gronder, là ?

Marco écouta à son tour le faible bruit sourd et régulier semblant venir des confins de la vaste plaine s’étendant devant eux, et fit un signe de dénégation de la main après quelques secondes.

— Désolé mon pote, mais non. Ça, c’est juste le convoi des camions grumiers de chez Darell qui transportent des coupes de résineux sur la route de la vallée. On verra pas une misérable goutte de pluie de la semaine, aussi sûr que les crapauds font pas des princes.

— Merde, t’as raison. Bon, à la santé des résineux, alors ! fit Barry en entrechoquant sa canette avec celle de Marco.

— Ouais, et que la sève coule toujours, répondit celui-ci en adressant un clin d’œil égrillard à son ami. »

Vous l’avez déjà dit

Voilà. J’ai essayé d’insuffler un peu de style et un brin d’humour pour égayer ma prose. Je pense pouvoir dire que ce n’est pas trop mal écrit, ou en tout cas que ce bout de texte propose le minimum syndical pour que sa lecture ne soit pas des plus indigestes. Ça se lit, quoi. Seulement, à l’évidence, on n’a pas progressé d’un iota par rapport au paragraphe initial. Les deux hommes établissent le même constat, mais rien de neuf sous le soleil si j’ose dire dans ce contexte précis. Littéralement, ils parlent de la pluie et du beau temps. Précisément ce qu’on dit quand on n’a rien à dire en étalant un bavardage de ce type sur plusieurs paragraphes. Et un auteur qui n’a rien à dire…

Le sens de l’histoire

Changement d’orientation

Pour faire avancer l’histoire, il aurait fallu, en s’appuyant sur le mot-socle ou l’idée générale – il fait chaud –, orienter la discussion qu’ont Barry et Marco vers un sujet en rapport avec la canicule qui les accable tout en évoquant quelque chose d’autre susceptible d’éveiller la curiosité du lecteur. Je reprends donc la suite du premier paragraphe pour lui donner un nouveau sens, m’appliquant à extraire les personnages de l’instant présent en jetant une passerelle vers un événement ayant eu lieu dans un contexte météorologique semblable :

« Ouais, mec, on crève de chaud. Même la nuit on dirait qu’on dort avec la porte du four de l’enfer ouverte, répondit Marco. »

Il demeura pensif un long moment avant d’ajouter dans un murmure :

« Comme l’année où on a retrouvé cette pauvre Amelia baignant dans son sang au beau milieu de sa cuisine. Ouais, comme cette année-là. »

Barry hocha la tête en silence, prit une autre bière dans la glacière posée entre eux, et la lui tendit en remarquant la lueur d’effroi dansant dans le regard de Marco.

— Hum… tu penses encore à ce cinglé, pas vrai ?

Mario opina.

— Comment je pourrais oublier le Tueur de la Canicule, par un temps pareil ? J’y pense même quand il gèle à pierre fendre, alors aujourd’hui…

— C’était moche, hein, dit doucement Barry sans entrer dans les détails. Ils évoquaient rarement le drame, aussi marchait-il sur des œufs.

— À gerber, Barry, à gerber, ouais. Et tu sais que c’est ce que j’ai fait le jour où je l’ai découverte. J’ai cru ne jamais pouvoir m’arrêter de dégueuler, cette matinée-là. »

Ils se turent et, en dépit de la chaleur qui les terrassait, chacun sentit un frisson le parcourir en repensant au corps décapité d’Amelia allongé dans une flaque d’un rouge brunâtre. À sa tête aux yeux crevés posée sur la table de la cuisine, dans la corbeille de fruits. Au bourdonnement des mouches, voletant dans l’air saturé de chaleur au-dessus du cadavre, et des pommes et des oranges qui avaient roulé sur le carrelage.

« Tu crois que le Tueur de la Canicule va revenir, Marco, c’est ça ?

— J’en sais foutrement rien. Mais en tout cas, c’est sa saison, dit-il d’une voix sourde avant d’expédier un maigre jet de salive dans la terre craquelée de la cour. Cela lui irrita la gorge, que la fournaise ambiante rendait sèche comme du carton. Mais la bière était là à toute heure pour oublier la douleur. Pour oublier Amelia. »

La redoutable efficacité d’une transition naturelle

En procédant de la sorte, bien qu’on change totalement de registre, la transition s’opère avec le naturel d’une pensée en amenant une différente, aussi ténu le lien existant entre les deux soit-il. Il s’agit d’un moyen efficace d’harmoniser sa narration qui s’adapte à toutes les situations, comme en atteste ce rappel d’un événement horrible amené par, je le redis, rien de plus commun qu’un échange sur la pluie et le beau temps.

La puissance du décalage

Ce genre de développement est évidemment apte à susciter l’intérêt du lecteur sans qu’un hiatus vienne contrarier l’attention qu’il porte à ce qu’on lui raconte. Une attention pouvant d’abord être captée par le fait que les deux hommes boivent de la bière de bon matin, par exemple. Ça peut en dire long sur eux, et nous faire s’interroger sur ce qui les fait picoler si tôt. Le côté inattendu de ce qui vient ensuite renforce la puissance de ce qui est relaté, tant par la soudaineté du décalage que par l’atroce intensité du meurtre qui est rapporté.

La semaine prochaine, nous approfondirons ces petites astuces narratives faisant qu’on coulisse facilement d’un paragraphe à l’autre. Pour la lubrification des articulations d’un texte, rien de tel que l’huile de coude des neurones…

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