Les manuels d’écriture les plus efficaces s’attachent aux erreurs afin de montrer comment on peut améliorer son écriture. Ces manuels restent rares. Antoine Albalat pratique la critique littéraire de manière concrète dans ses ouvrages. Il explique que ce travail technique nécessaire reste insuffisant. L’écrivain se doit de trouver son style. Plus qu’une affaire de talent, il s’agit d’une longue patience, d’un savoir lire le stylo à la main, en analysant l’écriture des plus grands.
Leçon 2
Les manuels de littérature
La médiocrité, ce trampoline vers l’excellence
Albalat renvoie les rédacteurs des anciens manuels à leurs chères études, soit une vision compassée de la littérature. En une phrase, tout est dit : « Tout cela est sans profit. ». On pourra donc jeter ces ouvrages au feu sans craindre un dénuement intellectuel ! Cependant, il dit plus loin que « Un Manuel sur l’art d’écrire est donc possible, nécessaire et logique, en prenant pour modèle la construction générale de la phrase française ».
Mais le propre de cette leçon est dans un premier temps d’aborder la médiocrité dans le sens où elle peut être source d’enseignements. On traite des phrases mauvaises qu’on peut rendre bonnes. Pour l’auteur, il est tout aussi fructueux de s’attarder sur les chefs-d’œuvre que sur les textes insipides, car le lecteur retirera de ces derniers matière à s’améliorer puisque « c’est l’exemple des choses médiocrement écrites qu’il faut aussi lui donner pour lui apprendre à les fuir ».
Ce raisonnement est plutôt pertinent si l’on considère qu’il est avantageux d’étudier par quoi on peut pécher à travers « un morceau de prose ordinaire, en poussant l’exécution, en le refaisant, en le perfectionnant. ». S’attarder sur les défauts des autres, c’est par identification commencer à cerner ceux dont nous faisons preuve, soit l’éventuelle possibilité de les corriger si l’on est attentif.
L’écriture, forteresse inexpugnable ou mal attaquée ?
Cela étant posé, Albalat s’attaque de nouveau à cette antienne qui voudrait que l’on n’apprend pas à écrire : « il y a dans l’art d’écrire une partie démontrable, un côté métier d’une extrême importance, une science technique, une sorte de travail détaillé et profond qui fournit presque autant de ressources que l’inspiration ».
Il faut ici comprendre que l’effort peut, dans une certaine mesure, suppléer le talent qu’ont par nature des écrivains et qu’il est possible d’accéder à un bon niveau sans être surdoué. Si l’inspiration n’est pas donnée à tous dans de mêmes proportions, il faut admettre que l’on peut composer d’honnêtes histoires qui pourront trouver leur lectorat si l’on fait montre de suffisamment de sérieux dans l’appropriation des différentes techniques littéraires.
Dans l’esprit d’Albalat, le fait de recourir à des romans indigents fait donc partie de l’apprentissage obligatoire pour qui veut progresser dans son écriture, tandis que dans le même temps on se consacrera aux auteurs les plus doués pour y puiser d’indispensables lumières ; rien d’incompatible ici, car il s’agit de se jauger par rapport à deux extrémités pour mieux voir le chemin à parcourir si l’on souhaite posséder un jugement clair de son propre talent : « La première condition préparatoire pour écrire, c’est de se connaître et, pour cela, de s’examiner, de s’étudier, de savoir, comme le dit Horace, de quel fardeau vous pouvez charger vos épaules. ».
Le style, cette créature protéiforme qu’on voudrait dompter
Revenant vers la question du style, Albalat tient à préciser la diversité que cela sous-entend et quelle absurdité ce serait de vouloir imposer à chacun une sorte de style universel tout en précisant qu’il y a « un art commun à tous les styles ». Ce qu’il faut bien sûr c’est, dans l’hypothèse où la chose soit faisable, « de décomposer et de s’assimiler tous les styles ; puis de s’en former un. ».
Facile à dire, certes. Tout le monde n’est pas apte à retirer la substantifique moelle de ce qui fait la patte reconnaissable entre toutes d’un auteur capable d’éblouir son lectorat par ses seules tournures. Mais on peut piocher çà et là des idées pour enrichir son écriture, et s’interroger lors de nos lectures pourquoi telle phrase nous séduit, et quelle est la mystérieuse puissance d’un attelage de mots ordinaires qui sous une plume habile devient extraordinaire.
On dit souvent, c’est presque un truisme, que pour être un bon écrivain on doit être un bon lecteur, sans pour autant devenir de « pâles pasticheurs ». À chacun de débusquer chez ses auteurs favoris les mécanismes intellectuels, le subtil maniement du vocabulaire, qui font que l’on tombe en admiration devant une phrase qui vous cueille au détour d’un paragraphe. « Tâchez d’abord de bien écrire et l’originalité de votre forme arrivera seule. ». Sans doute que dans bien des cas, l’écrivain en herbe ne pourra voir qu’en de rares occasions son style hérissé de fulgurances littéraires.
Le temps et la patience sont les seuls leviers d’un apprentissage réussi
Il ne faut pas perdre de vue que, comme n’importe quel métier, l’écriture exige qu’on y consacre de nombreuses heures à la fois laborieuses et enthousiasmantes, avec la venue des premiers progrès. Pour qui pratique l’art d’écrire depuis de longues années, relire ses premiers textes le surprendra probablement sans coup férir par leur gaucherie et leur naïveté, mais il pourra aussi y voir les germes d’un style prometteur depuis confirmé. Bref, le talent, c’est aussi ne pas se décourager !
Albalat constate que « Rien n’est plus difficile que de se connaître littérairement. Notre imagination a des mirages qui nous trompent. Le vrai germe est parfois étouffé et n’apparaît que tardivement». Autant dire qu’il s’agit d’une mise en garde sur le fait qu’il est aisé de se fourvoyer quant au chemin à emprunter pour atteindre son véritable objectif et que l’on n’a pas toujours pleinement conscience de l’art que l’on est éventuellement amené à maîtriser. Pour reprendre l’un d’un exemples cités par l’auteur, « Gautier et les Goncourt se croyaient nés pour la peinture. ».
On peut perdre vingt ans voire plus dans l’apprentissage du métier d’écrivain par une simple erreur d’aiguillage, comme la survenue précoce dans notre vie d’un travail moins exigeant et plus rassurant que celui de noircir du papier. Il est à peu près certain que quelques génies qui s’ignoraient ‒ ils ne sont probablement pas légion ‒, sont passés à travers les mailles du filet et ont eu une honnête carrière de professeur ou d’agent immobilier ; on peut conclure avec Albalat qu’« Il est rare qu’on ait le discernement et le courage d’être purement et simplement ce que l’on est. »…
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