Les Master Class d’écriture ne sont pas des formations !
Choquant ? Il s’agit bien plus qu’une question de point de vue comme vous l’explique Frédéric Barbas dans cet article.
Au fil des années, l’idiocratie s’est implanté dans le pays ayant connu le siècle des Lumières, et c’est bien dommage. Je m’explique : depuis pas mal de temps, j’ai constaté que des personnes s’improvisaient du jour au lendemain « coach en écriture » ou autres titres plus ou moins ronflants allant tous dans le sens qu’apprendre à écrire, c’est trop fastoche ! Qu’est-ce qu’on rigole. Vous êtes forcément tombés sur ces faiseurs de miracles en surfant sur le Net. Sur des gens vous promettant de vous enseigner la formule magique pour écrire un roman en un mois, de gouverner votre geste littéraire. Ben tiens. Eh bien voyez-vous, moi qui suis pourtant un homme délicieux (mais si), ç’a fini par me mettre de méchante humeur. J’ai en horreur celles et ceux essayant de duper les personnes ayant une passion…
Apprendre est un métier
On n’est jamais à court d’imbéciles
Pour citer Épictète, qui n’était pas le dernier des imbéciles (la preuve, il en reste encore pas mal) : « Il est impossible d’apprendre ce que l’on pense déjà savoir. » Si dans mon préambule frisant le Zola (si si, ça vaut bien son « J’accuse… ! » glissé par Clémenceau), je mets un petit soufflet aux charlatans de la profession – car apprendre comment écrire à quelqu’un est bel et bien un métier –, je n’oublie pas pour autant la responsabilité des apprenants. Faute partagée à moitié corrigée, comme on dit. Ah non, je viens de l’inventer. Bon, n’hésitez pas à reprendre cette formule à l’envi, ça pourrait faire effet boule de neige et me rendre célèbre. Sait-on jamais.
Charlatan malgré soi
J’ai employé le mot « charlatan », ci-dessus, mais fort heureusement, beaucoup de personnes pensent de bonne foi être en mesure de vous inculquer les bases pour écrire, sans aucune méthode, mais elles s’en croient capables. À tort, cela va sans dire, mais comme on dit, ça va mieux en le disant. Et cette formule-là, je ne l’ai pas inventée. Pas deux fois dans le même article, quand même ! Alors, pourquoi s’estime-t-on en capacité à devenir formateur d’écrivain en claquant des doigts ? Eh bien, disons qu’on peut distinguer plusieurs catégories : il y a celles et ceux qui ayant participé à un atelier d’écriture en présentiel, animé le plus souvent par quelqu’un n’ayant à peu près aucune compétence dans le domaine, s’imaginent pouvoir reproduire ce « modèle ». J’avais d’ailleurs écrit un article sur le sujet en m’appuyant sur ma propre expérience, que vous retrouverez ici.
Le Pape n’y suffira pas
Si une telle personne, aussi dotée des meilleures intentions soient-elles, parvient à vous faire réellement progresser, mettez-là sous cloche et adressez dans la foulée une demande au Vatican pour une reconnaissance de miracle. Ça, c’est pour vous faire sourire. Mais la réalité est qu’il est tout bonnement impossible que cela se produise. Vous n’apprendrez jamais rien de quelqu’un ne possédant pas ne serait-ce que les bases de la transmission d’un savoir-faire. Rien du tout. Oh, ça pourra peut-être faire illusion avec un brin d’éloquence, mais comme on dit, quand on vend du vide, ça ne remplit pas un panier. Ah si, tiens, je suis parvenu à inventer deux expressions dans le même article finalement.
Master class
Master pas très classe
Ce sur quoi je voudrais mettre le doigt, c’est la différence existant entre une entreprise dont le sérieux n’est plus à démontrer – allez, je cite un nom au hasard, L’esprit livre – et tous ces zozos (depuis quand n’a-t-on plus utilisé ce mot ?) se revendiquant experts dans un domaine dont il ne maîtrise à peu près rien. À commencer par certains écrivains, aussi étonnant que cela puisse paraître. Je ne vous parle pas d’écrivaillons ayant vendu trente exemplaires de leur œuvre dont vingt-neuf à leur famille, non. Je fais bien allusion à des pointures qui dirigent – ah, ce mot tellement tendance qui va suivre – des master class. En bon français, « classe de maître », et dans sa version évoluée, « cours magistral » ; je n’irai pas jusqu’à dire que cet anglicisme équivaut à un réverbère piégeant des papillons dans son halo, mais on n’en est pas loin, quand même.
La master Callas
Ça paraît si novateur. Ouais. Sauf que La Callas en donnait déjà à son époque, des master class. Et que c’était autrement plus travaillé que celles qu’on propose actuellement. « 1972. Maria Callas a perdu sa voix et donne sa dernière Master Class. » Voyez, ça remonte. Et pourtant, ce faux modernisme éblouit bien des gens croyant y voir, alors qu’ils sont en fait aveuglés par cette lumière, le moyen de devenir un grand écrivain par un effet d’absorption intellectuel. Comme si le talent se vampirisait au simple contact de celle ou celui le détenant. Ou qu’il était contagieux. J’ai d’ailleurs écrit une nouvelle sur ça, dans le registre fantastique ; c’est dire comme dans la vraie vie, ça n’existe pas ! Pour votre information, je suis allé sur certains sites proposant ces master class avec auteur en vue. C’est très, très, très basique. Si le bruit du vent vous manque, n’hésitez pas à vous y rendre à votre tour, car c’est à peu près tout ce qu’on vous vend.
Le talent ne se trouve pas dans un portefeuille
Vous pensez peut-être le sujet clos quant à ça en ce qui concerne cet article, mais j’ai encore quelques petites choses à en dire ! Il faut bien se mettre un truc en tête : l’argent n’achète pas le talent. Or, la somme généralement réclamée pour s’attirer les services de ces écrivains n’ayant aucune expérience de formateur ferait probablement défaillir votre banquier s’il apprenait que vous claquez votre fric pour que votre ego s’émoustille au contact d’un auteur, aussi talentueux soit-il. Je ne blablate quant à ça, voyez-vous ? Je ne citerai pas son nom, mais j’ai participé à un atelier d’écriture sur deux jours, au prix fort, guidé par un auteur connu.
Auteur et formateur, deux métiers différents
Vol intellectuel
Quelle déception ç’a été ! Il était venu les mains dans les poches, espérant probablement que son statut d’écrivain installé suffirait à répondre à l’attente des participants. Eh bien non. Sans dire que cela s’est révélé catastrophique, ce furent tout de même des heures perdues. Il ne possédait aucun sens de l’organisation d’un groupe – je crois me souvenir que nous étions une douzaine d’apprentis-écrivains. Cet auteur, dont je possède deux livres dans ce qui me sert de bibliothèque, n’est jamais parvenu à fournir ce que j’appellerais une véritable prestation. En tout cas pas celle que j’attendais. Pour ainsi dire, bien involontairement, il m’a fait les poches. C’est métaphorique, bien sûr, s’agissant d’un vol intellectuel sans effraction, mais quand même…
Déception
Si j’avais été le seul à éprouver cette déception, je ne vous en parlerais pas aujourd’hui. Seulement, quand il a eu fini sa master class (qui ne se nommait pas ainsi à l’époque dans le Poitou ; on savait rester simple), les langues se sont déliées. Qu’ai-je entendu ? Je vous fais un condensé : « Je m’attendais à beaucoup mieux. » Je tiens à préciser que je ne rejette pas du tout la faute de cet échec sur l’auteur en question, qui a pris son flouze et a fait de son mieux. Mais impréparé, peu connaisseur de la gestion de personnes avides de conseils – ou plutôt baignant dans un océan d’illusions, comme votre narrateur à l’époque – il s’est comme qui dirait vautré dans les grandes largeurs. Je le redis, c’est bien d’un auteur professionnel dont il s’agit. Il a notamment été édité chez Gallimard, Denoël et Fleuve Noir, pas le premier venu ni celui né de la dernière pluie. Et pourtant…
Quand le QI régresse
En effectuant quelques recherches pour cet article (oui, je bosse un peu, quand même), j’ai appris que le QI des Français avait baissé de quatre points ces dix dernières années. Quel rapport avec le sujet qui nous occupe aujourd’hui ? Sans énumérer tous les facteurs censés être responsables de cette régression assez inquiétante, j’en ai relevé un qui m’a paru pertinent pour ce dont on parle : le manque de formation professionnelle, d’apprentissage, fait que non seulement on n’apprend plus aussi bien qu’avant, mais qu’on désapprend. C’est pourquoi il me paraît plus que nécessaire de s’inscrire dans un processus d’enseignement réfléchi, encadré, et surtout, qui a fait ses preuves.
Une master class n’a jamais été une formation
La confusion entre « master class » et formation est courante. L’attrait de la célébrité exerce une telle fascination, qu’elle remplace de fait la compétence à former, nécessaire pour parvenir à la transmission des compétences. Ces récits de pratiques fort inspirants des écrivains célèbres ne vous aideront pas à progresser. Il est facile et très lucratif d’entretenir cette confusion.
La formation est devenue un produit de consommation, suscitant des comportements de clients. On achète pour se faire plaisir, se faire valoir, en adoptant parfois des comportements irascibles, comme si l’argent donnait tous les droits : intolérant à l’erreur, à la frustration, à la contrainte, à l’engagement personnel ou encore en faisant preuve d’une impatience tyrannique… Autant de prédispositions incompatibles avec l’apprentissage.
Pour développer des compétences d’écrivain, il faut s’engager dans un vrai projet, s’entraîner tous les jours, se confronter à la réalité d’une discipline exigeante, à ses pairs et aux professionnels d’un secteur d’activité. Il est nécessaire aussi d’adopter des manières de communiquer plus cordiales et de s’ouvrir aux autres. C’est tout de suite moins vendeur ! Il y a ceux qui préféreront acheter du vent et des illusions, et d’autres, qui chercheront des vraies formations de qualité. L’esprit livre a choisi son camp. Et vous ?
Précisions légales sur les activités accessoires des écrivains
Au sujet du décret n°2020-109528 relatif à la nature des activités et des revenus des artistes-auteurs, la ligue des auteurs professionnels rappelle qu’il s’agit de : » cours donnés dans l’atelier ou le studio de l’artiste-auteur, d’ateliers artistiques ou d’écriture et de la transmission du savoir de l’artiste-auteur à ses pairs« . Pas grand chose avoir avec les Master Class en ligne, qui est un cours magistral. Ceux qui participent écoute passivement, sans écrire quoi que ce soit.
L’accès aux métiers de la formation est particulièrement réglementé. Pour être formateur, selon l’Onisep, il faut être détenteur « d’au moins un bac + 3 (licence pro) ou un bac + 5 (master pro) du domaine enseigné + une expérience professionnelle. « , » La formation d’adultes nécessite avant tout une solide expérience professionnelle. Certains diplômes forment à l’ingénierie de formation. «
Les personnes souhaitant oeuvrer dans le domaine de la formation professionnelle doivent se déclarer auprès de la Préfecture et satisfaire un certain nombre d’exigences administratives. Elles doivent aussi être certifiées QUALIOPI, et respecter un Référentiel National de Certification Qualité.
Si les conditions à remplir sont nombreuses, vous constaterez tous les jours sur Internet que les Master Class ne présentent pas ces garanties.
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