Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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Nourrir son écriture

Sommaire

Pour lui garder la forme, chaque jour, il lui faut des rencontres en tête-à-tête, de l’écoute, et il faut aussi nourrir son écriture.

Il peut se produire un phénomène un rien désarçonnant, pour un auteur : se rendre compte que son écriture est anémiée. Ses phrases ? Dénuées d’énergie. Sa narration ? En perte de dynamisme. Ses idées ? À bout de souffle. Ses intrigues ? D’une faiblesse alarmante. Si un jour votre enveloppe littéraire est dans ce piètre état, redonnez-lui la flamme plutôt que de la regarder mourir à petit feu…

L’inspiration, cet animal familier

L’écriture affamée

Votre écriture a faim. Constamment. Vous souvenez-vous de cette mode ludique venue du Japon, appelée Tamagotchi ? Si tel n’est pas le cas, permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire. Cela se passait à la fin des années 90, en 1997 précisément quand cela devint un engouement mondial. Il s’agissait  d’éduquer – et sustenter – un animal de compagnie virtuel, le fameux Tamagotchi. Faute de quoi, il dépérissait et pouvait connaître une « mort numérique » si je puis dire, bien que « le relancement du personnage [soit] une fonctionnalité innée du jouet », pour reprendre les mots de Wikipédia. Voilà pour la bestiole pixellisée.

Une inspiration fidèle

Bon. Vous le voyez venir le moment où je vais effectuer le parallèle entre votre écriture et un Tamagotchi ? Oui, c’est maintenant : comme un Tamagotchi, notre inspiration est une sorte d’animal de compagnie. Si elle n’est pas toujours à nos côtés, du moins ne s’éloigne-t-elle jamais bien loin. À condition que nous prenions soin d’elle, l’alimentant quand elle éprouve le besoin de se régénérer. Elle ne nous sera pas fidèle qu’à ce prix, mais disons que ça aidera à la voir rappliquer un peu plus vite quand on la sollicite. Si nous la délaissions, pas sûr qu’elle accourait sans regimber. 

La curieuse expérience

Bien sûr, vos phrases ne vont pas se mettre à défaillir et vos paragraphes à convulser si vous les négligez. Pas plus que vous ne serez amené à pleurer votre manuscrit à chaudes larmes après l’avoir recouvert d’un suaire une fois son dernier soupir stylistique poussé. Toutefois, si vous ne nourrissez pas votre écriture d’éléments nouveaux, elle perdra en vigueur au fil d’un lent mais inéluctable rabougrissement. Le piège est de ne pas s’en apercevoir. De croire que ce qui est acquis est inaltérable, que l’expérience peut se passer de la curiosité. Et d’oublier que c’est grâce à cette curiosité qu’est venue l’expérience.

Les suggestions

Les pensées abreuvées

À l’artiste Francis Picabia – peintre, dessinateur et écrivain –, on doit notamment cette formule aussi jolie que pertinente : « Notre cerveau est une éponge qui s’imbibe de suggestions ». Je pense qu’il serait bon qu’en tant qu’auteur, nous nous interrogions de temps à autre sur ce que nous suggérons à notre cerveau. Qu’on réfléchisse, afin d’éviter qu’il se dessèche, à la meilleure façon de le gorger de pensées abreuvées à des sources enfouies. Par « sources enfouies », j’entends des idées que nous n’avons jamais songé à explorer, pris que nous sommes dans notre routine littéraire. Celle dont le bruissement de nos habitudes couvre la petite musique de la découverte.

La créativité rigide

Cependant, avant de s’aventurer hors de notre zone de confort, il est primordial de sanctuariser notre approche de l’écriture jusqu’à la ritualiser, car même l’imagination a besoin de repères. Les répétitions ordinaires de notre quotidien d’auteur nous rassurent : ce qu’on a fait la veille, on est en mesure de le recommencer le jour-même ; demain ne sera donc pas un jour troublant l’ordre des choses. Si ces acquis bâtissent les certitudes, ils peuvent aussi rigidifier notre créativité. Sans être en phase de rigor mortis, notre inventivité pourrait végéter à l’ombre glaciale de l’immobilisme. Une conséquence évitable, à condition de modifier un modèle qui fonctionne et nous apporte toute satisfaction. On se demande bien pourquoi se risquer à une telle transformation…

Croître entre deux dictons

…Pour une raison simple : une évolution, quelle qu’elle soit, ne s’opère pas sans apporter de modifications à une méthode ayant pourtant fait ses preuves. Être réticent au changement, rechigner à expérimenter des suggestions dont on n’est pas certain de leur apport à notre écriture, est compréhensible. Du moins si l’on s’en tient au dicton « On sait ce qu’on perd mais on ignore ce qu’on gagne ». À quoi il serait facile de rétorquer par un « Qui ne risque rien n’a rien » bien senti. Laissera-t-on les dictons décider de nos choix ? Non. Cultivons l’entre-deux, il y pousse ce que l’on veut.

Ce que l’on veut

L’épice des rêves

Savoir ce que l’on veut est une richesse, et on aurait tort de croire que l’obtenir serait forcément un luxe. Il est certes parfois compliqué de se procurer une chose quand bien même on sait où elle se trouve. Dans la vie réelle, du moins. Écrire est de ces merveilleuses folies qui se jouent des contraintes, pour peu qu’on s’en donne les moyens. L’incessant renouvellement de nos idées en est un. Le questionnement de ce qui forge nos opinions également. Quant à la curiosité, elle exalte l’imagination. Sous réserve qu’on rassasie notre écriture de l’épice de nos rêves, la fiction nous appartient et ce que l’on veut est à nous.

La surprise de l’éponge

Et que veut un écrivain, si ce n’est surprendre son lecteur ? En redonnant des couleurs à son écriture devenue pâlichonne avec le temps, en lui insufflant un regain d’énergie, il sera en mesure d’élaborer une histoire étonnante. De proposer à ce lecteur un plat auquel il n’aura jamais goûté, car l’écriture de l’auteur sera nourrie d’ingrédients dont il avait lui-même oublié les saveurs ou dont l’existence lui était méconnue. Il faut en permanence gonfler l’éponge mentale chère à Picabia à l’aide de ces suggestions littéraires qui ravissent et déroutent.

La mort du Tamagotchi

S’il fallait que vous ne reteniez qu’une chose de cet article, c’est qu’il vous incombe de prendre soin de votre écriture. De veiller à ce que jamais elle ne s’étiole. On doit exercer notre vigilance d’écrivain avec l’attrait du travail bien fait. Faites l’effort d’être talentueux. Quand on écrit, se contenter du minimum c’est ne rien offrir à son lecteur. Alors si vous n’avez pas dans un coin de votre tête l’intention de lui faire un cadeau, laissez mourir les Tamagotchis…

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