Avant d’écrire, il faut savoir quoi pour organiser ses idées. Parce que si, lorsque vous racontez une histoire, vous dites noir dans un paragraphe et blanc dans le suivant, soit vous parlez d’un dalmatien, soit vous êtes incohérent. Pour éviter que votre lecteur ait la désagréable impression d’être en permanence confronté à une logique fluctuante (c’est l’autre terme pour désigner une pensée bordélique), essayons de voir comment mener son récit sans dire une chose et son contraire…
Un bon plan
Des glaçons sous les draps
Je suis désolé de l’annoncer à celles et ceux y étant allergiques, mais la cohérence part bel et bien du plan. Vous savez, ce truc dont je vous rebats les oreilles depuis des années ? Allez, je vous la fais courte pour cette fois : pensez-vous qu’un architecte s’aventurerait à construire une maison sans avoir agencé la disposition de chaque pièce de façon cohérente ? Disons, par exemple, histoire de ne pas être contraint de déplacer le congélateur afin d’accéder à votre chambre ? Je sais qu’il s’agit d’une image de nature à vous refroidir, aussi je vous invite à passer au paragraphe suivant afin de souffler sur les braises de la logique narrative. Entre autres.
Un bouquin dans la cheminée
Dans un roman ou une nouvelle, une seule scène peut mettre à mal l’ensemble de l’histoire en entrant en contradiction avec son fil conducteur. En l’entortillant. Ça n’impose pas une linéarité de tous les instants, pourvu que tous les éléments de votre récit concordent. Mais si l’un de ces éléments rend invraisemblable ce qui a précédé, si un hiatus s’opère dans votre réflexion globale, vous pouvez conserver votre bouquin bien à l’abri en attendant l’hiver. Il paraît que ça brûle très bien dans une cheminée, un livre qui n’a aucun sens. Quand j’évoquais des braises juste au-dessus, voyez que question cohérence je suis tout feu tout flamme.
Non
Bien, vous avez votre plan. Mais si, vous l’avez. Cherchez mieux. Voilà, parfait. Vous êtes donc prêt à vous lancer dans la construction d’un édifice qui se tiendra parfaitement droit. Qui a dit : « Et la Tour de Pise. » ? Euh, oui, certes. Mais si vous n’avez jamais entendu l’expression « C’est l’exception qui confirme la règle », ne venez pas contester ladite règle au nom de ladite exception. Bref, en vertu de rigolotes anagrammes de « ladite » dont je viens à l’instant de me rendre compte, on ne dilate pas le détail. Au cas où vous vous demanderiez si ce paragraphe a servi à autre chose qu’à me faire plaisir, la réponse est non.
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Le Mur
Un tyrannosaure dans la narration
À présent, voyons comment procéder quand notre structure narrative est mise en place. En premier lieu, on doit la vérifier plusieurs fois. Car ce n’est pas parce qu’on a fait un plan qu’une logique implacable l’articule comme par magie. Il arrive plus souvent qu’on ne l’imagine qu’un « défaut de fabrication » nous échappe. Parfois, une incohérence de la taille d’un tyrannosaure se glisse dans un passage sans qu’on la remarque simplement car il nous plaît d’un point de vue littéraire. Pas le tyrannosaure, le passage. Formellement, il est très réussi, mais sur le fond il ne s’inscrit pas du tout dans la cohérence de notre intrigue. La raison pour laquelle on ne remarque pas ce dysfonctionnement dans notre narratologie est que nous sommes trop absorbés par le caractère séduisant de notre écriture. Tel Narcisse se mirant dans l’eau d’une source, nous nous noyons avec langueur dans la contemplation de la beauté de notre style.
La promesse d’une couverture
Une fois toutes les séquences analysées dans l’objectif de mettre notre histoire sur de bons rails, il convient donc de ne pas faire d’erreur d’aiguillage. Dans une histoire, il y a une promesse. Elle figure en quatrième de couverture et dans les premières lignes de votre texte. Un bon auteur ne déviera jamais de cette trajectoire. Une incohérence, c’est un déraillement. La trahison de cette promesse par un manque de maîtrise de la structure originelle de votre récit. Il faut donc constamment avoir cette promesse à l’esprit, être vigilant par rapport à ce qu’elle réclame de rigueur afin d’être tenue. Je vous parlais de quatrième de couverture ; celle de Blue, du brillant Joël Houssin, est un exemple de contrat rempli vis-à-vis du lecteur. J’ai déjà dû la citer dans le cadre d’un autre article, mais comme je suis un dangereux récidiviste, je vous la soumets de nouveau :
Le Mur est notre droit.
Le défendre, notre devoir.
La promesse ici est tout autant concrète qu’intrigante. Quel est ce Mur ? Qui est en charge de le défendre ? Dans le roman, on le sait rapidement et Houssin ne faillit à aucun moment dans la cohérence pour nous mener droit dans le mur. Bon sang, ce que je suis spirituel.
La littérature en parpaings
Avec cette quatrième de couverture, Houssin crée une attente, et la cohérence consiste aussi à satisfaire celle du lecteur. Si vous lui promettez un mur, ne lui vendez pas un portail. Et de fait, dans Blue, le Mur pèse sur le lecteur à chaque chapitre. Il mérite sa majuscule tant il en impose, et à quel point il se révèle comme le défi d’une vie. Des paragraphes comme des parpaings, des phrases comme du ciment, une lecture compacte, une promesse respectée, le tout avec une logique implacable et violente si jamais la logique peut l’être. Bon, vous attendez quoi pour le lire ?
Convaincre par la cohérence
Ne pas dire n’importe quoi est une manière de convaincre. La continuité intellectuelle donne tout son sens à un discours. Il faut persuader son lecteur que ce que vous dites a un but précis, et que, pour l’atteindre, vous avez cogité de façon réfléchie. Si votre lecteur n’est pas convaincu, vous êtes vaincu. Et ne me faites pas dire ce que j’ai à peine suggéré. La persistance de la réflexion est un des paramètres pouvant définir la cohérence. On doit être constamment vigilant lorsque l’on écrit. On doit défendre notre Mur textuel pour que jamais il ne s’écroule…
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