Si réécrire un texte débutant simplement par : Que voici de belles montagnes ! devenait : Ah, ces hauts sommets qui hérissent les magnifiques paysages de notre belle planète et lui confèrent d’admirables reliefs ! Euh, attendez, j’ai cru un instant que je m’apprêtais à écrire pour un magazine spécialisé dans la géographie. Alors que pas du tout. J’avais entrepris de rédiger un article afin d’aborder quelques astuces qu’il est possible de mettre en œuvre pour éviter au maximum que la platitude stylistique s’invite dans nos textes. J’ai dû me cogner quelque part entretemps. Bien, à présent que j’ai recouvré mes esprits, nous allons pouvoir débuter l’ascension langagière…
De l’évitement du cliché selon Churchill
Dites adieu au clic-clac
Bon. J’espère que vous n’êtes pas photographe, car il va nous falloir vite fait bien fait tourner le dos aux clichés. Les clichés étant à l’écriture ce que les éléments de langage sont à l’homme politique : la source du néant intellectuel. La fabrication textuelle de ce qui dépersonnalise un discours. Vous pourrez lire avec profit les mémoires de Winston Churchill pour comprendre que l’intelligence ne se réfugie jamais dans les lieux communs. Voici un extrait de « Mémoires de guerre 1919-1941 ». J’aurais pu trouver un exemple plu gai, mais il est si parlant qu’il réduira les bavards avides de poncifs au silence…
Le discours d’un roi du langage
« L’histoire doit juger comme hautement blâmable la conduite pendant ces années fatales du gouvernement britannique national majoritairement conservateur, mais aussi celle du parti socialiste travailliste et du parti libéral, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du gouvernement : on se complaisait en douces platitudes ; on refusait d’affronter les désagréables réalités ; on recherchait la popularité et les succès électoraux au mépris des intérêts fondamentaux de l’État ; on aimait la paix d’un amour sincère, mais on nourrissait l’illusion lamentable que l’amour pouvait être le seul fondement de la paix. »
L’offensive de Churchill
Tout le monde en prend pour son grade, ce qui, lorsqu’on évoque la guerre, est bien naturel. Mais là n’est pas l’essentiel. Derrière ce style recherché vibre un discours d’une violence absolue. Et pour qu’elle soit mise en relief, Churchill, après n’avoir épargné personne afin que chacun se sente concerné, ce qui dans un premier temps fait dresser l’oreille à tous sans pouvoir rejeter la faute sur l’autre, passe à l’offensive encore plus durement en termes choisis. En recourant à des adjectifs tels que « blâmable », « fatales », « désagréables » ou « lamentable », c’est comme s’il introduisait des balles dans son barillet pour abattre ses cibles.
Le coup de grâce
Pourtant, ce ne seront pas ces mots-là qui toucheront en plein cœur, mais bien la conclusion de son propos où par deux fois il utilise le mot « amour ». De façon dévastatrice. Et c’est en l’employant ainsi que le relief de son discours atteint son apogée. Parce qu’il le confronte aux horreurs des champs de bataille et l’assimile à une naïveté meurtrière. Pire, à de la complaisance trempée jusqu’au cou dans l’entre-soi. Au confort intellectuel de qui ferme les yeux quand ses responsabilités exigeraient qu’il les décille. Churchill infuse de l’amour dans la mort pour mieux la rendre palpable avec une grâce étudiée.
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Rions un peu
Le nez rouge écrasé
Après cette première partie rigolote comme tout, je vous suggère d’aborder d’autres méthodes simples et efficaces pour créer des aspérités textuelles. Comme les jeux de mots, par exemple. Mais attention, pas ceux que vos collègues répètent inlassablement chaque matin à la machine à café (oui, c’est du vécu). Autrement dit, pas ceux que tout le monde connaît et qui ne surprendront personne. Pour faire saillir une phrase d’un paragraphe, il vous revient de faire preuve d’un minimum d’originalité. Qu’on sente votre patte. Même chose pour les traits d’esprit. Sinon, abstenez-vous. Faire sourire n’est pas toujours une mince affaire. C’est un clown qui me l’a affirmé avant de se jeter du dixième étage de son immeuble. Paix à son nez rouge.
Le colosse dans l’horloge
La comparaison est aussi une figure de style pouvant donner de l’énergie à votre écriture et attirer l’œil de votre lecteur. Outre le fait de lui raconter une histoire, il faut aussi parvenir à le surprendre de temps en temps. Si vous écrivez : « C’était un homme grand et massif qui n’avait pas l’air très intelligent. »… bof. Si vous tentez plutôt quelque chose du genre : « C’était un colosse bâti comme une horloge comtoise, mais on se rendait vite compte que son cerveau n’émettait qu’un faible tic-tac. », ç’a un p’tit côté humoristique apte à retenir l’attention, pas vrai ? En fait, ce n’était pas une question.
Le relief de granite
Vous l’aurez compris, le relief d’une phrase doit lui permettre de se détacher de votre horizon littéraire comme un menhir au beau milieu d’un champ lexical. Oui, j’ai revu un dessin animé d’Astérix et Obélix ces derniers temps, ce qui me désignait tout naturellement pour rédiger cet article en terminant mon propos par une image l’illustrant de manière tant inspirée que solide.
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