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Aux semelles du style s’accrochent les métaphores

Sommaire

Le style d’un auteur fait toute la différence.  Espérant frapper les esprits avec des images fortes, trop d’auteurs abusent des métaphores et s’enlisent dans des clichés. Si les images suggérées par un texte créent du relief, il convient d’utiliser cette technique à bon escient, avec de la fantaisie. La créativité dans l’expression aide à l’affirmation d’un style… C’est ce que Frédéric Barbas vous explique dans cet article.

 

Le style permet de se démarquer des autres écrivains

Dans l’hypothèse où deux romans offriraient un contenu en tous points analogue, le style ferait que je préférerais l’un à l’autre. Pas vous ? Mais en fait, de quoi parlons-nous ? Même intrigue, mêmes personnages, mêmes décors, mêmes rebondissements, même dénouement… rien ne changerait, mais le style s’en mêlant, tout serait différent.

J’écris « le style » en le sachant protéiforme, donc apte à séduire tous les publics selon divers critères divisant autant qu’ils les rassemblent universitaires, critiques, libraires, experts de tout, de rien, de rien du tout, journalistes, écrivains eux-mêmes, lecteurs bien sûr, et tiens, ceux frappés de béotisme aussi, pourquoi pas ?

Quand les comptes sont faits, lorsque chacun a exprimé son avis-tranchoir, disséqué un paragraphe à tel point qu’on croirait un cadavre après une autopsie, une constante émerge : aux semelles du style s’accrochent souvent métaphores et comparaisons. Sur la carte d’identité de notre écriture, elles figurent à la rubrique « signes particuliers ».

Je n’oppose pas les deux : au-delà d’un accès intuitif, chacune s’appuyant sur un échafaudage technique simple et connu, il est aisé de recourir à l’une comme à l’autre afin d’enrichir une phrase à la condition sine qua non de fuir les clichés.

 

L’incontournable nécessité de l’originalité

Si vous pensez qu’une image comme « Le ciel était clouté d’étoiles. » constitue le summum de l’inventivité, je vous invite à dégringoler jusqu’au bas de cet article pour voir combien d’écrivains ont effectué un stage dans une clouterie stellaire : ça dépasse allègrement le cadre limité d’une constellation, on lorgnerait plutôt vers l’infini. Chacun sera donc avisé de ne pas « découvrir » une planète où un drapeau a déjà été planté.

Alors une métaphore, cent fois oui, mais découpée dans une étoffe luisante d’avoir trop servi, mille fois non ! Pour autant, l’originalité dans ce domaine comme dans d’autres n’a de valeur ajoutée que si elle est supportée par une mécanique précise. À un assemblage cohérent (on évitera, sauf dans la recherche d’un effet comique, « Le soleil resplendissait comme un lumignon ») doit s’intégrer l’inattendu, si possible agrémenté d’un certain esthétisme – sachant qu’il ne sera pas forcément partagé par tous, mais le choix fait partie de la personnalité de l’auteur. Ainsi, privilégiez par exemple « La rage hivernale festonnée d’une bave de givre » à « la morsure glaciale de l’hiver » (à noter que l’esthétisme n’implique pas systématiquement le recours au « beau », ou considéré comme tel).

 

Le style d’un auteur n’est pas un catalogue de figures

Bien entendu, on ne déploie pas un style avec ces seuls leviers. S’agissant de restituer l’état d’esprit de son personnage principal lors d’un voyage en voiture qui se veut de manière à la fois réelle et symbolique un changement de vie, Paul Auster écrit ceci :

« Rien autour de lui ne durait plus d’un instant et, chaque instant succédant à un autre, lui seul semblait continuer d’exister. » (La musique du hasard, Actes Sud, p24). L’auteur développe et précise ensuite sa pensée, mais l’essentiel est dit dans cette phrase.

Pour donner à voir à travers le banal dévidement des kilomètres l’apparition d’un sentiment neuf et profond chez son héros, il utilise des éléments de la scène – la place occupée physiquement et intellectuellement au cœur du paysage qui défile.

 

Quand la métaphore devient une communion d’esprits entre l’écrivain et son lecteur…

Contrairement à la « vision clef en main » que proposent métaphore et comparaison, ce procédé fait appel à la capacité du lecteur de se joindre à la réflexion de l’écrivain au moment où il l’exprime. Nul besoin ici d’adjectif chatoyant ou de formule percutante, la construction du discours d’Auster créant en quelque sorte sa propre figure rhétorique.

On voit qu’il est possible de donner du relief à son texte de multiples façons. Mais en cristallisant une idée, la métaphore devient le point d’ancrage d’une phrase, en figeant le sens avec l’élégance des choses bien exprimées. Poétique ou brutale, singulière ou saisissante, elle permet à un écrivain de forger son style tout en y échappant.

La métaphore, bien qu’incorporée à l’édifice-texte, possède un langage lui appartenant en propre qui la différencie de l’architecture générale, et comme une gargouille, fait saillie pour rehausser l’ensemble.

Deux romans au contenu identique, mais l’un aux métaphores abritées par des pages cornées, l’autre lisse de tout style, au signet immobile… Oui, mon choix est fait !

Note sur le ciel étoilé et les métaphores si utilisées qu’elles sont devenues des clichés

♦ La Verdure dorée,Tristan Derème, Éditions Émile-Paul frères : « Vois ! Le ciel est clouté d’étoiles cristallines »
♦ Les hauts de Ramatuelle, Albin Michel, Françoise Parturier : « Le ciel était clouté d’étoiles, la nuit bleue… »
♦  Le vagabond de Dieu, Roger Bichelberger, Albin Michel : « Au-dessus de moi, le ciel est clouté d’étoiles. »
♦ Le crime est dans le pré, Edmonde Permingeat, Nouvelles plumes : « La bise avait balayé les nuages et le ciel était clouté d’étoiles. »
♦ Alexandre le Grand et les Aigles de Rome, Javier Negrete, L’Atalante : « La lune ne s’était pas encore levée et le ciel était clouté d’étoiles… »
♦ Une semaine de Juin, Jean-François Coulomb, Albin Michel : « Le ciel est clouté d’étoiles. »
♦ Le train fou, Henry Poulaille, Grasset : « Le paysage que coiffe un ciel clouté d’étoiles pâles ne compte pas. »

 

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