Une erreur assez répandue chez les auteurs débutants est de plus penser à la façon d’écrire qu’à ce qu’ils désirent exprimer. Or, privilégier la forme au fond revient à vouloir éblouir l’esprit du lecteur alors qu’il s’agirait avant tout d’éclairer sa lanterne. Dès qu’on instaure un dialogue avec lui, le premier impératif consiste à se faire comprendre, pas à s’écouter parler. Plus que de la fatuité, il faut surtout voir dans cette maladroite tentative de briller la peur d’être dépourvu d’une identité littéraire propre et le reflet des difficultés qu’on éprouve à s’en créer une…
Les idées d’abord
Le piège de l’esthétisme
Il est normal de soigner la qualité de son écriture quand la hardiesse nous vient de soumettre un de nos textes à l’appréciation d’autrui. Las, l’excès d’esthétisme est le piège dans lequel de nombreux novices tombent. Il n’est pas rare de voir dans leurs phrases un adjectif jouer des coudes pour se frayer un chemin entre deux adverbes tandis qu’une dentelle de mots raffinés en étrangle le sens. Décrivant le moindre geste à grand renfort de détails de crainte de n’être pas compris, ils encombrent le passage qu’ils pensaient dégager pour exposer leur idée. Cette sur-explication, fréquente chez les débutants, s’appelle rater son effet en beauté…
La cage ornementée
Lorsqu’on pare une phrase trop richement, on l’enferme dans ce qu’on espérait être le plus beau des écrins. Pourtant, au final, il se révèlera une cage cadenassée d’ornements d’où vos pensées ne s’envoleront jamais. En procédant ainsi, on laisse à peine un coin de strapontin à l’imagination du lecteur. Il ne peut réfléchir sereinement au message de l’auteur dont la pertinence disparaît sous d’inutiles dorures. La recherche de style passe souvent par ces tâtonnements où l’on emprunte à tel écrivain sa science de la métaphore, à tel autre son vocabulaire choisi et à un troisième sa construction intellectuelle. La panacée ? Pas vraiment…
Les portes de guingois du paragraphe
Dans ce genre de construction lexicale de bric et de broc, les portes des paragraphes grincent souvent à tous les étages faute d’avoir l’expérience nécessaire pour les ajuster. Ce qui nous séduit tant chez un écrivain paraît s’articuler avec fluidité mais devient sous une plume balbutiante un enchevêtrement de mots compliqués à imbriquer. Ça coince et frotte là où chez les auteurs pris pour modèles tout s’emboîtait et coulissait à la perfection. Pourquoi ? Je l’ai dit, le manque de pratique, mais un autre aspect entre en ligne de compte : votre personnalité.
Les mots de tout le monde
C’est vous qui le dites
Ce qui pour vous est important d’être évoqué, dites-le avec vos mots, pas en vous servant de ceux dont vous estimez qu’ils sont admirablement agencés chez les autres. Certes, ils mettent impeccablement en valeur le propos de leur auteur. Mais ce ne sont pas forcément le vocabulaire ou les tournures avec lesquels vous êtes le plus à l’aise. Les techniques littéraires, les figures de style, le bagage langagier, etc., viendront en leur temps. Écrivez selon qui vous êtes avant de parvenir à cet idéal d’écriture si bien résumé par Colette : « Il faut, avec les mots de tout le monde, écrire comme personne ».
Ombre et lumière de l’héritage littéraire
Nos auteurs favoris nous lèguent un héritage pouvant se révéler à la fois prodigieux et embarrassant : s’ils éclairent notre chemin, il s’agit aussi de sortir de leur ombre. Comment restituer avec un égal talent l’atmosphère de passages avec lesquels ils ont su nous charmer ? Il arrive, de peur de ne pas se montrer à la hauteur de nos mentors artistiques, de pratiquer l’ellipse au lieu de s’attaquer à une scène dont on ne sait par quel bout l’aborder. La comparaison nous effraie. Cet évitement n’est pas souhaitable, car d’une manière ou d’une autre notre récit et notre apprentissage en souffriront.
Les veinures du discours
C’est se mentir à soi-même que de camoufler ce qu’il y a de perfectible dans notre écriture. Au contraire, soumettre à un regard professionnel nos textes dépouillés des falbalas lexicaux est une mise à nu nécessaire afin que l’essence de notre pensée demeure visible. Qui plus est, c’est une démarche très formatrice garantissant de progresser sans perdre de temps. Chacun d’entre nous a en lui des choses qu’il brûle de partager. Apprenez à écrire ce que vous avez envie de dire en n’oubliant pas que le vernis littéraire doit enjoliver notre discours, pas en dissimuler les subtiles veinures…

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