Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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la relecture, les bases de nettoyage d’un texte

la relecture

Sommaire

La relecture ne se cantonne pas à l’orthographe. Voici une méthode de relecture éprouvée par Frédéric Barbas, correcteur d’édition, afin d’améliorer la lisibilité de vos textes et votre style.

> Seconde partie de l’article  : Comment évaluer son texte et le corriger efficacement en 4 étapes

Quatrième étape : la relecture,  les bases du nettoyage d’un texte

 

Préparez votre relecture 

 

L’orthographe, un écueil pour la concentration

Je suis de ceux pour qui la présence trop importante de fautes constitue un sérieux frein à une relecture efficace. Car le sens de la phrase à laquelle je réfléchis peut finir par m’échapper si mon regard est régulièrement attiré par un « s » en trop ou un accord oublié.

Ce n’est pas la partie la plus emballante de la correction en ce qui me concerne. Mais comme il m’est impossible d’en faire l’économie, je prends mon courage à deux mains, un dictionnaire dans la troisième et je m’efforce de traquer les étourderies, en n’omettant pas bien sûr de vérifier un mot si je doute de sa signification.

C’est lorsque je considère mon texte » propre » à ce niveau que je m’attaque à tous les autres pièges qu’il recèle.

 

Le champ de mines des adverbes

Si l’on veut bien admettre le fait que nos intentions d’auteur se noient fréquemment dans des flots verbeux, et corriger le tir en conséquence, alors on tient le bon bout. Qui n’a pas caracolé un jour d’une ligne à l’autre ivre du galop des épithètes, de la cavalcade des adverbes ? Posez-vous la question suivante aussi souvent que nécessaire : à quoi sert ce mot ?

S’il ne valorise pas votre propos, c’est une boursouflure qu’il convient de supprimer. Il est en général facile de vérifier à quel point les adverbes alourdissent une phrase, comme les quelques lignes ci-dessous le prouvent avec une outrance drolatique :

 »  Au commencement était absolument le verbe.
Surtout après la deuxième tasse de café.
Le verbe est ton ami, le verbe est le bien ( As-tu quelques minutes à lui consacrer ?) mais il est également seul, seul face au nom obséquieusement flanqué de l’adjectif.
Et il tremble.
Farouchement.
Ceci explique illico la pente idiosyncrasique de l’écrivain à lui adjoindre aléatoirement (quoique doctement) de l’aide, sous forme d’adverbes. Mais las, trop d’adverbes tuent le verbe.
Et la verve. »

(1) Source Jeanne – a – debats

 

Lorsque se relire nécessite une tente à oxygène, il est évident que celui découvrant notre pâtée adverbiale sera à son tour au bord de l’étouffement. Comme tout un chacun, j’ai déjà eu sous les yeux un roman où l’intrigue nécessitait de progresser entre une multitude d’adverbes. Oubliez le champ lexical et le champ sémantique : c’est un champ de mines sur lequel votre concentration et votre intérêt finiront désintégrés !

Une phrase du livre Écriture, de Stephen King, vous convaincra de n’employer les adverbes qu’avec parcimonie : « Avec l’adverbe, l’écrivain trahit le fait qu’il craint de ne pas s’être exprimé avec clarté, d’être passé à côté de ce qu’il voulait souligner ou du tableau qu’il voulait esquisser. »

Vous ne voudriez pas être considéré comme un écrivain craintif, si ? Je suis bien catégoriquement certain et intimement convaincu que ce n’est vraisemblablement pas le cas !

 

L’adjectif : La phrase, cette employée parfois surqualifiée

« Désolé, vous êtes surqualifié pour la simplicité de ce poste ! »

Ramenez cette formule à l’emploi des adjectifs et vous obtiendrez ceci : « Désolé, votre écriture est surqualifiée pour la clarté de cette phrase ! ».

 

La description sous toutes ses coutures

Certains auteurs ont la main lourde et déversent des tombereaux d’adjectifs afin d’« agrémenter » leur prose, confiants dans l’adage « Abondance de biens ne nuit pas ». Je ne compte plus les fois où j’ai lu des phrases de ce genre :

« Il était vêtu d’un costume discret très distingué à la fois sobre et élégant. »

Tout classe qu’il soit, ce costume doit être bien lourd à porter, et cet homme-là aurait été aussi bien habillé si on avait écrit avec plus de légèreté : « Il était vêtu d’un élégant costume sobre. », discret et sobre signifiant peu ou prou la même chose, idem pour distingué et élégant. Vous pouvez donc remettre ce costard pléonastique sur son cintre.

 

L’excès de l’indécis

Autre classique de la prodigalité adjectivale :

« Un soir clair et serein, sous un ciel étoilé, j’observais une voiture rutilante placée dans le cône jaunâtre d’un lampadaire vieillot dressé dans l’air doux près de la façade lépreuse d’une bâtisse biscornue. »

Ah, aucun détail ne nous échappe… hélas ! C’est un travers qu’on ne trouve pour ainsi dire jamais chez un romancier professionnel. En revanche, il n’est pas rare qu’un débutant, par peur de ne pas restituer une vision fidèle de la scène qu’il a à l’esprit, répugne à en supprimer le moindre mot. Faute de choisir, il embouteille son style.

Inutile de multiplier les exemples, ces deux-là suffisant à démontrer que l’accumulation d’adjectifs aussi délicieux soient-ils, et tintant de la plus mélodieuse des façons, ne permettra jamais à une phrase d’être meilleure ni de mieux fixer une idée. Ce serait penser que plus on emballe un paquet cadeau, plus son contenu acquiert de la valeur. La surqualification dissimulant plus qu’elle ne met en évidence, c’est la concision qu’il faut atteindre.

Aussi, au moment de délester votre texte de ce qui le prive de son côté aérien – adverbes et adjectifs, même combat –, préparez-vous à sacrifier autant de mots qu’il faudra (rappelez-vous : à quoi sert ce mot ?). Ne vous inquiétez pas, en temps utile, vous les retrouverez tous dans votre dictionnaire !

  

Les redites

 Un mot c’est comme un secret, on ne doit jamais le répéter

Vous l’aurez compris, nous allons parler des redites, qui en plus de gâcher un style peuvent donner l’impression que vous manquez de vocabulaire.

Chaque règle ayant son exception, je vais brièvement évoquer Cormac McCarthy (ce ne sera ni la première ni la dernière fois) : il commet d’ « abominables » répétitions. Ce qui ne l’a pas empêché de décrocher, entre autres, le prix Pulitzer pour La route, en 2007. Choix incompréhensible ? Scandale ? Pas du tout : ces répétitions sont voulues, et font partie intégrante de son style. Elles lui confèrent un rythme particulier, alimentent sa réflexion et assoient ses pensées. Quant à son vocabulaire, croyez-moi, il est préférable de disposer d’un bon dictionnaire quand on parcourt certains passages de son œuvre.

« Ils arrivèrent bientôt à un bouquet de chollas au bord de la route auquel s’étaient empalés de petits oiseaux jetés là par l’orage. D’anonymes oiseaux gris en espalier dans les attitudes d’un vol avorté ou mollement suspendus dans leur plumage. Il y en avait qui étaient encore vivants et ils se tordirent sur leurs vertèbres au passage des chevaux et levèrent la tête et poussèrent un cri mais les cavaliers continuèrent. »

De si jolis chevaux, Cormac McCarthy.

 

Les causes du bégaiement littéraire

Mais pour la majorité des auteurs, ces redites sont subies et dues à une mauvaise relecture, une étourderie, un moment de fatigue, un coup de téléphone nous faisant perdre le fil, et pas l’inverse, etc.

Si la prolifération d’adverbes et d’adjectifs engendre son lot de répétitions, les verbes ne sont pas en reste, loin s’en faut, de même que les substantifs. Un grand nombre d’entre eux nous viennent à l’esprit plus naturellement selon nos lectures, nos tics verbaux transférés à l’écrit, la facilité avec laquelle on se les est appropriés, le milieu où on les a appris, le contexte particulier qui a fait qu’on les a retenus avec plus ou moins d’efforts, etc.

Quoi qu’il en soit, on estime qu’en moyenne les lycéens utiliseraient quotidiennement entre 800 et 1600 mots et les adultes 3000. Au-delà de ce langage de tous les jours, celui nous permettant de communiquer avec nos prochains, on évalue pour le vocabulaire de culture générale une fourchette allant de 2600 mots à 5000 pour les lycéens et jusqu’à 30.000 pour une personne dite cultivée (2) – source le Figaro :

Difficile de quantifier la part de ce bagage lexical que chacun sera en mesure de répandre dans une histoire le moment venu. Mais on voit que s’il y a matière à se répéter, on possède également un très large éventail de mots de substitution.

De quoi se donner du courage au moment où il va falloir se mettre au travail pour éviter que nos phrases bégaient !

 

Enfin, tout du long, rectifiez la ponctuation !

Tous les changements effectués vous obligeront à modifier au fur et à mesure une virgule ici, à déplacer des guillemets là, et plus loin des tirets devront être ajoutés. Un travail de fourmi à prendre très au sérieux, car il vous mènera au dernier signe de ponctuation d’un écrivain : le point de non-retour…

 

Lire la première partie de cet article

 

https://esprit-livre.com/apprendre/comment-corriger-et-evaluer-efficacement-son-texte-en-4-etapes-04-10-2019

 

Sources

(1) http://www.jeanne-a-debats.com/article-mes-meilleurs-adverbes-118150816.html

(2) https://etudiant.lefigaro.fr/vie-etudiante/news/detail/article/un-lyceen-utilise-1000-mots-dans-sa-vie-quotidienne-1214/

 

Ouvrages cités dans cet article

Écriture, de Stephen King, Éditions Albin Michel.

La route, de Cormac McCarthy, Éditions Points.

De si jolis chevaux, de Cormac McCarthy, Éditions Points.

 

 

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