Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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Pourquoi est-ce si dur de corriger son texte

Sommaire

Corriger son texte est primordial. Simplement parce qu’il est plutôt rare qu’un premier jet soit irréprochable. Même chez un auteur de best seller.

Première partie

Un écrivain donnant à lire un texte truffé d’erreurs manque de correction(s). Au singulier comme au pluriel, ainsi qu’au propre comme au figuré, oui, comme le souligne avec une pertinence ahurissante la subtile mise en parenthèses du « s ». C’est un peu comme se présenter à une soirée habillée avec une chemise sale, ça fait tache. Voyons dans cet article pourquoi il n’est pas toujours aisé de rendre une copie impeccable, tout en étudiant la possibilité qu’elle le devienne…

Zéro faute ?

Le regard grésillant d’erreurs

Je pense que la majorité de celles et ceux qui me lisent ont un jour connu ce grand moment de solitude : trouver une faute « hénaurme » dans le passage d’un texte qu’on a lu et relu jusqu’à ce que nos yeux grésillent de la flamme démente alimentant le regard du traqueur d’erreurs en tout genre. Une liste de ces dernières risquant de ne pas être exhaustive, je rappelle les deux grandes parties englobant ce lisier intellectuel nourrissant la fureur du perfectionniste, et ce par ordre d’apparition à l’écran : l’orthographe et la grammaire d’un côté, la cohérence du récit de l’autre.

Le squelette orthographique

Même les rois du zéro faute en dictée sont à quelques reprises tombés sur un os dans le squelette bizarroïde des règles de français, cette relecture-là, si elle nécessite une connaissance d’ensemble dont les carences peuvent être en partie comblées par le recours à des recommandations parfois contradictoires, des exceptions échappant parfois à ce qui nous semblerait logique demeurent légion. Aussi est-ce en raison de l’assurance de ceux s’appuyant sur un modèle valable dans la majorité des cas que ce qui leur paraît juste est en fait fautif. Mais pourquoi donc, bon sang ?

Carton jaune et expulsion

Pour prendre un exemple simple issu des codes sportifs : tous les joueurs d’une équipe de football portent un maillot de la même couleur. Sauf le gardien. Pour les non-initiés, cela pourrait être incompréhensible, voire stupide, à moins d’y voir une coquetterie ou un caractère extravagant de la part du goal. Ce ne serait pas impossible, mais cette différence ne repose aucunement sur ça. Plus prosaïquement, celui – ou celle – défendant la cage de but de son équipe doit être identifiable, en priorité par les arbitres, car il est le seul joueur à pouvoir se saisir du ballon à la main. Probablement parce qu’il verrait d’un mauvais œil au beurre noir de n’avoir que sa tête pour stopper les frappes adverses.

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Exceptions et atouts

Les avertissements de l’éditeur

Si c’est un de ses coéquipiers qui le touche ou s’en empare de cette façon, une faute est sifflée, et, selon sa gravité, l’arbitre lui brandit un carton jaune sous le nez (il est averti) ou rouge (pas le nez, mais il est expulsé du terrain pour ses clowneries). Une lettre de refus personnalisée d’un éditeur est l’équivalent d’un carton jaune pour dire ce à quoi il faudrait remédier afin que vous puissiez coller au plus près de sa ligne éditoriale, une lettre de refus type, impersonnelle, le carton rouge vous invitant un rien sèchement au goût de certain(e)s à ne pas remettre les pieds dans sa maison d’édition.

Le gardien de but de la syntaxe

L’orthographe et la grammaire ont leurs gardiens de but, leurs exceptions, qu’on le veuille ou non. Mais si en sport on a coutume de dire que « le jeu appelle faute », elles sont majoritairement commises volontairement, ce qui différencie l’écrivain lambda du footeux moyen. Ça et le fait que personne ne hurle de joie quand on réalise un superbe paragraphe. Vous pouvez tenter l’expérience en vous installant dans le rond central d’un terrain de foot avec votre ordinateur, je crains fort qu’à part les gens s’occupant de l’entretien du stade, il n’y ait guère foule dans les tribunes pour saluer vos exploits littéraires. Ah, que ce monde est injuste !

Un atout de poids pour se corriger

Je ne vais pas faire des copier/coller sur le Net pour piocher parmi les astuces censées vous transformer en correcteur automatique, d’une part parce que copier ce n’est pas bien, d’autre part car la colle nuit gravement à la santé. Si, ils l’ont dit à la radio et à la télévision. En revanche, pour les personnes l’ignorant, L’esprit livre a récemment établi un partenariat avec Le Robert dans le but de proposer à nos stagiaires qui le désirent une gamme de produits destinés à perfectionner leurs aptitudes rédactionnelles. De quoi se doter d’un atout supplémentaire de poids pour acquérir de la confiance dans l’approche qu’on a de la relecture de nos textes.

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Sac d’embrouilles

Le pari perdu

Pour entamer la troisième partie de ce premier axe correctif (laissez-moi de temps en temps employer des expressions à la noix que ne renieraient pas certaines administrations, s’il vous plaît), je vais me fendre d’un conseil issu du fond des âges, validé par des générations d’écrivains, et dont la mise en pratique nécessitera un investissement aussi variable que modique selon les choix que vous effectuerez après en avoir pris connaissance, ce qui ne saurait tarder étant donné que j’ai perdu un pari dont l’enjeu était d’écrire un paragraphe d’une seule phrase tout en maintenant un suspense haletant prenant fin dès après les deux-points qui suivent : lisez.

Des trous dans le sac

Voilà, voilà. Si vous n’avez pas les yeux qui saignent, vous êtes fin prêt à militer à mes côtés pour la réhabilitation des phrases longues à condition qu’elles ne soient pas à rallonge, économie d’électricité oblige. Mais ceci fera l’objet d’une autre causerie, car nous allons à présent aborder, hors des aspects orthographique et grammatical, l’épineux problème d’une relecture s’attachant dans un premier temps à vérifier la cohérence d’ensemble de votre texte. On pense souvent à tort que parce qu’on a dit ce qu’on voulait de la façon dont on souhaitait l’écrire que l’affaire est dans le sac. Avant de s’apercevoir que le sac en question est troué de partout et que des éléments indispensables à la compréhension de notre histoire manquent à l’appel. Que faire ? Recoudre le sac ? Trop tard. Lire le paragraphe suivant ? Excellente idée.

Déconnection

Il m’est arrivé de constater avec la joie qu’on imagine l’impossibilité d’inclure à l’une de mes nouvelles 5 ou 6 pages pour lesquelles je m’étais donné un mal de chien Tout à l’enthousiasme acharné de qui souhaite proposer une écriture de qualité, je n’ai pas vu ce mauvais coup venir et les embrouilles du récit s’accumuler. Récompensé dans un premier temps par une relecture satisfaisante du passage en question, j’ai dû vite déchanter en m’apercevant qu’il était, dans son intégralité, totalement déconnecté de l’intrigue principale. Alors qu’en lui-même, il possédait un aspect littéraire me semblant de bonne tenue et était porteur d’une intrigue correspondant, pensais-je, à ce que j’espérais obtenir. Il y a des jours, comme ça, où on devrait se relire avant même d’écrire.

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Des erreurs dans le puzzle

Comme un sot resté au milieu du gué

Le problème ne relevait même pas d’un développement narratif hasardeux, puisque le contenu n’était pas hors sujet. Le hic relevait du fait que je l’avais entièrement bâti sur une erreur de logique l’excluant de mon histoire. L’élément central sur lequel j’avais construit ces pages était incompatible avec le reste de mon récit quelle que soit la retouche textuelle envisagée pour l’y incorporer de façon cohérente. J’étais bloqué en amont et en aval de ma nouvelle, tout sottement. J’avais donc perdu de nombreuses heures de travail simplement pour avoir jugé une idée séduisante avant de réfléchir au côté réalisable de son emboîtement dans le puzzle des relations unissant mes personnages. Ç’a été ma première grosse erreur concernant ce texte…

Une maille à l’endroit, le reste à l’envers

La seconde a été de m’entêter à trouver une solution me permettant de me raccrocher aux branches. Hélas, j’ai de nouveau gaspillé du temps à tricoter et détricoter mes phrases, me confectionnant un pull littéraire ne pouvant être enfilé qu’à l’envers. J’ai donc mis des pansements sur les jambes de bois d’une nouvelle dont le pronostic vital était engagé, et à mon grand regret, elle n’a pas survécu à ma sortie de route bien involontaire. Paix à son âne, moi en l’occurrence. De dépit, je l’ai laissée tomber sous l’œil gourmand de ma corbeille à papier. On pourrait songer qu’il me suffisait de « sacrifier » ces quelques pages pour me remettre sur de bons rails afin de repartir de plus belle et tout remettre à plat. Oui, on aurait pu le penser…

La résilience par la digression

Mais non. Car quand l’échec m’amène au renoncement, ce dernier ne me conduit pas à la persévérance. C’est humain. Et surtout plus productif que de se lamenter sur son sort et s’entêter en vain. Enfin, je suppose que c’est ce qu’en aurait conclu un psychanalyste à 300 euros de l’heure – c’est fou ce que j’économise comme fric, quand même ! –, en remplaçant persévérance par résilience. Histoire de piocher dans le vocabulaire du moment un mot connu et « popularisé » chez nous dans son acception actuelle par Boris Cyrulnik depuis plus d’une trentaine d’années et désormais accommodé à toutes les sauces jusqu’à le rendre indigeste. Je vous remercie d’avoir laissé mon agacement digresser en roue libre pour que nous filions le plus vite possible jusqu’aux phrases suivantes dont la rigueur n’aura d’égal que le sérieux. Peut-être.

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Faux raccord et changement de costumes

Le chagrin littéraire

Si corriger son texte n’a rien de facile, c’est en partie parce que de manière plus ou moins enfouie, on redoute ce qui m’est arrivé : un gros plantage. Ça n’était qu’une nouvelle, mais ça m’a quand même prodigieusement enquiquiné de m’être égaré dans une telle impasse. S’il s’était agi d’un roman, un coma artificiel de 6 mois suivi d’une thérapie de groupe avec mes deux chiens n’auraient peut-être pas suffi à me remettre de cet étrange mal qu’est le chagrin littéraire. Ce moment où, par inadvertance, vous avez laissé un éléphant pénétrer dans votre magasin de porcelaine. Voire un troupeau au grand complet. À part essayer de recoller les morceaux et passer un bon coup de balai dans son esprit pour en évacuer les derniers débris d’amertume intellectuelle, il n’y a plus qu’à tourner la page. Ce qui semble le plus approprié quand on écrit.   

Comme au cinéma

Le mieux, néanmoins, est de s’éviter ces désagréments qui peuvent vous tordre le cerveau jusqu’à en essorer l’inspiration pour une durée indéterminée. Si vous vous intéressez au cinéma, vous connaissez peut-être ce qu’on appelle un faux raccord. Lors d’une scène, un personnage porte un costume blanc dans un plan, et dans le plan suivant sous-entendant une continuité de l’action, son costume est noir. Car ce que l’on voit à l’écran, même si c’est censé se dérouler en une poignée de secondes, peut-être tourné à une semaine d’écart, entre le moment où l’acteur revêt le costume blanc et celui ou l’habilleur, par inadvertance, lui en donne un noir.

Ras la casquette

En théorie, la personne en charge du script doit veiller à ce que ce genre de bévue ne se produise pas, mais il est plus fréquent qu’on pourrait le croire qu’une incohérence de la sorte se glisse dans un film et que ce dernier soit projeté ainsi, de manière définitive, au cinéma. Voilà donc une autre raison faisant qu’il n’est pas si facile que ça de corriger son texte. Parce que vous en êtes en premier lieu le réalisateur, mais aussi le chef du département des effets spéciaux, de la salle de montage, le responsable des décors, celui de l’habillage, le superviseur de l’équipe des caméramans, le compositeur (eh oui, un texte se « met en musique »), etc. Bref, toutes les casquettes vous échoient.

Paire de rames et canot de naufrage

L’avantage de tout diriger : vous êtes le seul maître à bord. L’inconvénient : si le bateau coule, la faute en incombe à vous et à vous seul. Et à ma connaissance, seul le réalisateur James Cameron est parvenu à faire un succès planétaire avec une histoire qui fait naufrage. Son titre ? Titanic. Nous verrons dans la seconde partie de cet article quels canots de sauvetage un auteur peut utiliser pour à la fois éviter la noyade à son récit tout en facilitant sa relecture, les deux allant souvent de pair. Comme des rames, si vous voulez, mais ce serait là un emploi fautif. De là à dire qu’en matière de correction, l’orthographe nous met dès que possible la tête sous l’eau…

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