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Comment valoriser ses idées, comme Georges Orwell

valoriser ses idées comme George Orwell

Sommaire

George Orwell est un auteur engagé qui nous a offert des œuvres aux concepts révolutionnaires. Avoir une idée autour de laquelle bâtir une histoire, c’est bien. L’exploiter le plus possible, c’est mieux. Et pas n’importe comment, de préférence. Une idée, c’est comme un matériau noble : il ne faut pas gâcher la marchandise. Et la mettre en valeur. Oui, mais comment ? Je n’en ai pas la moindre idée. Après cette blague d’une remarquable pertinence, entrons sans frapper dans le vif du sujet…

La moustache manipulatrice

Mettons que vous ayez l’idée de dépeindre un régime totalitaire. Pourquoi pas. C’est un sujet qui fout les jetons sans avoir besoin de pousser les portes d’un casino. Hum. Mettons que ce régime totalitaire soit en partie basé sur le mensonge gouvernemental et l’espionnage du moindre citoyen. Bof, pas très original, tout ça. Mettons que le dictateur à la tête de ce système possède une moustache. Oui, bon, on y a déjà eu droit avec Hitler et Staline, alors hein, rien de neuf sous le poil. Maintenant, mettons que votre roman s’appelle 1984, qu’il invente une façon de penser à la fois complexe et accessible, propose une histoire d’amour désespérante dans un univers plus gris qu’une souris verte qui courait dans l’herbe. Enfin, mettons que vous vous appeliez George Orwell et que vous veniez d’écrire un chef-d’œuvre construit pour une part sur une idée simple : la manipulation mentale de tout un peuple.

Le visage du bourreau et la trajectoire de la victime

Orwell a écrit son magnifique bouquin en 1949, quand Adolf avait depuis longtemps levé le bras pour répondre en classe aux questions de sa maîtresse, Eva. Ou un truc comme ça. Le totalitarisme était déjà connu, mais l’auteur l’a « enrichi », si j’ose dire. Il lui a conféré une dimension routinière effrayante. Une déconstruction administrative de la vérité. Une peur obsédante d’être en permanence scruté sous la loupe du pouvoir. Rien que des éléments préexistants, quand on y songe. Mais là où Orwell a excellé, c’est dans la description de la trajectoire de son personnage principal, Winston Smith, évoluant au cœur de cette machine infernale tout en tentant de ne pas être broyé par ses rouages. C’est une des valeurs ajoutées de l’idée initiale de l’écrivain, personnifier la dictature à travers celui qui la subit. De mettre en relief le visage du bourreau, « Big Brother », grâce aux traits psychologiques de la victime.

Double langage

Mais plus encore, c’est la façon dont ce totalitarisme s’applique qui achève de rendre cette idée géniale : par la pratique du novlangue, ou néoparler, les hommes sont dépourvus de leur libre arbitre. Ce mécanisme intellectuel, appelé double-pensée, fonctionne ainsi : « Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. ».

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Le retournement de cerveau

La liberté sans nom

Ce système de pensée entraîne une confusion permanente chez les individus, une chose admise comme vraie ne l’étant plus le jour suivant, pour de nouveau se parer des atours de la vérité. Ce moyen permet au Parti d’instaurer chez chacun une distanciation avec la réalité, empêchant qu’une croyance s’ancre durablement. Cela passe par la disparition ou l’altération des mots. Par exemple, comme c’est expliqué dans l’appendice de 1984 : « Prenons un seul exemple : le mot ‘‘libre’’ existait toujours, mais seulement dans des énoncés comme ‘‘ce siège est libre’’, ‘‘la voie est libre’’. On ne pouvait pas l’employer au sens de ‘‘politiquement libre’’ ou ‘‘intellectuellement libre’’, puisque la liberté politique et intellectuelle n’existait plus, même réduite au seul concept, et par conséquent n’avait pas de nom. ».

Le sens des mots

Rassurez-vous, si vous avez la sensation que votre hémisphère droit vient de se loger à la place de votre hémisphère gauche, c’est tout à fait normal. Secouez la tête pendant une journée et tout devrait rentrer dans l’ordre. Enfin, je l’espère pour vous. Si vous comptez m’intenter un procès pour inversion hémisphérique, je fuirai au pôle Nord. Ou au pôle Sud, je ne sais plus. Bref. En inventant la double-pensée, Orwell a doté son idée originale, la manipulation mentale du peuple, d’un arsenal langagier totalement novateur. Et a mis au point un dérèglement de l’esprit tel qu’il vide les mots de leur sens, car ils peuvent signifier une chose et son contraire.

Fromage et dessert

Bien sûr, tous les aspects classiques de cette société riante et enthousiasmante sont évoqués afin d’établir un cadre général à l’histoire : les réfractaires sont « vaporisés », les délateurs pullulent davantage que les moustiques en été, jusqu’aux enfants qui sont encouragés à dénoncer leurs propres parents s’ils n’adhèrent pas totalement à la politique du Parti. Et, bien entendu, la propagande tourne à plein régime. Quant aux tortures psychologiques, elles sont gratinées au point que celles et ceux les endurant en ressortent avec le cerveau comportant plus de trous qu’un gruyère. Oui, je voulais finir cet article par le fromage, et lorsque tout le monde l’aura lu, promis, je dessers.

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