Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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La réalité dans l’écriture

Sommaire

La part de réalité que je dois mettre dans un de mes textes est un questionnement fréquent. Sans que le lecteur le sache, même s’il peut plus ou moins le deviner, j’orne parfois ce qui est fictif d’expériences personnelles. C’est une sorte de jeu littéraire allant plus loin qu’un simple amusement. Nous, auteurs, savons-nous vraiment quels éléments de notre personnalité musardent-ils consciemment ou non entre nos lignes ? Eh bien, je vais essayer avec vous d’y voir plus clair à ce sujet. De comprendre pourquoi à certains moments on se situe en retrait et à d’autres quelle raison fait qu’on se mette en avant, et quels bénéfices en tirer, bien sûr…

Les dissimulateurs

Le sens caché

Certaines de mes nouvelles n’ont absolument rien avoir avec ce que l’existence a bien voulu présenter sur mon chemin. Encore heureux, car j’ai parfois écrit de telles horreurs que je frissonne rien qu’à l’idée que l’une d’entre elles puisse s’être un jour dressée lors de mon parcours ici-bas. Cependant, il m’est parfois arrivé de découvrir le véritable sujet d’un de mes textes des années après y avoir mis un point final. Son sens caché. Oh oui, car nous sommes d’habiles dissimulateurs, n’est-ce pas ? Au point de nous mentir à nous-même. Avec plus ou moins de finesse. À la lueur d’une introspection ne disant pas son nom.

Les rides de l’écrivain

On ne raconte pas simplement une histoire en inventant. Car à un moment donné, on parle de qui nous sommes, qu’on le veuille ou non. Et cet instant précis peut se nicher dans une multitude de détails en une confidence à peine déguisée. Vous connaissez ce banal passage de votre quotidien où vous remarquez subitement qu’une ride est apparue sur votre visage alors qu’elle s’y trouvait depuis longtemps ? Bon, pas moi, je me tartine de crème de jour, de crème d’après-midi, et de crème de nuit afin de préserver ce teint délicat que tant de gens jalousent. J’ai nettement freiné sur la crème chantilly, par contre.

Quand ça vous saute au visage

Mais revenons à nos rides. Enfin, aux vôtres. Dans un texte – je crois tenir la métaphore du siècle, là –, cela correspond à quelque chose qui soudain nous saute au visage. Ride ? Visage ? Vous l’avez ? Parfait, on continue. Puisque c’est une histoire écrite par nos soins (du visage ? Ah non), il n’est pas toujours évident de s’apercevoir qu’une part de nous-même, une ride littéraire, s’y soit inscrite à notre insu. Elle trace pourtant quelque chose de nous révélant tout à la fois les éclats de rire et les soucis qui nous habitent. Bien sûr, nos procédés littéraires maquillent la plupart du temps cette réalité s’étalant sous les yeux du lecteur. Mais elle est bien présente.

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Franchise et réalité

Flagrant délit

Cette première partie a peut-être interpellé certaines personnes parmi quelques un(e)s d’entre vous. Parce que ça vous parle. Ou que vous commencez seulement à y réfléchir. Peut-être cela vous effraie-t-il un chouia, d’ailleurs. Cette peur d’être pris en flagrant délit d’être vous-même. Il ne le faut surtout pas. C’est cette part de franchise que vous devez rembourser. Zut, je pensais à ce petit accrochage que mon épouse a eu avec notre voiture, désolé. Oh, rien de grave, je vous rassure : ce n’est que de la tôle, comme on dit. Bon, l’autre conducteur est mort dans d’atroces souffrances après avoir agonisé durant des heures, mais quoi, si ça se trouve, c’était un sale type qui battait son chien et ne promenait jamais sa femme.

Une vache aux Maldives

Donc, la franchise qui me caractérise… hum, c’était juste pour la rime. Sinon, je peux très bien mentir comme un arracheur dehors. De dents, pardon. Comme j’ai dû vous le répéter une bonne cinquantaine de fois, écrire revient en partie à mentir le plus honnêtement possible. Bon, sauf si vous écrivez à votre tata Jacqueline pour lui dire qu’il fait beau sur votre lieu de vacances. Et encore, j’en connais certain(e)s capables d’affirmer qu’ils ont un soleil radieux alors qu’il pleut comme vache qui plisse (oui, les vaches aussi ont des rides) depuis une semaine. Tout ça parce qu’ils ont claqué deux ans d’économies pour passer quinze jours aux Maldives et qu’ils ne voudraient pas que quelqu’un se moque d’eux à leur retour. Non, je ne pense à personne en particulier.

La réalité du coup de poing dans la gueule

Bon, si tout se passe bien, je devrais finalement réussir à aborder le sujet de la franchise au cours de ce paragraphe. Quel est l’intérêt d’y recourir dans un de vos textes ? De partager l’une de vos expériences personnelles pour alimenter votre histoire ? Tout simplement parce que si l’on vous sent convaincu de ce que vous dites, si une scène inventée contient une part sincère de votre vécu, votre lecteur y adhèrera d’autant plus facilement. Je pense par exemple à des écrivains comme Jack London et Jack Kerouac. Dans Martin Eden, le premier a bel et bien été faire le coup de poing chez un éditeur qui lui devait de l’argent. C’est un passage très réussi, car on s’y croirait, et pour cause : c’est réel.

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Cueillette de coton et vol de ptérodactyle

Souffrir aux côtés de l’écrivain

Dans Sur la route, j’avais mal au dos à force de me pencher avec Kerouac pour cueillir du coton car, comme lui, je n’avais pas le coup de main pour ce job. Il n’y a aucun mystère à s’identifier à un personnage vous expliquant la dureté d’une tâche qu’il a vraiment accomplie. Je m’y voyais, dans ce champ au-dessus duquel se déployait l’aurore et qui vous laissait la colonne vertébrale en feu une fois que vous le quittiez. La franchise n’est pas la réalité, cette dernière étant romancée, mais la franchise ne peut se passer de la réalité. Et inversement. Sauf si vous passez vos vacances aux Maldives.

Supermarché préhistorique

Il existe aussi une forme de réalité altérée ne relevant pas du mensonge, mais de l’imagination. Dans le recueil Brume, Stephen King explique qu’un jour où il avait été faire des courses dans un supermarché, l’image d’un « énorme oiseau préhistorique qui volait lourdement vers le comptoir à  viande au fond »  lui était venue. Bon, je ne suis pas sûr qu’il n’ait fumé que du tabac blond de Virginie ce jour-là, mais quoi qu’il en soit, cela lui a donné l’idée de l’excellente – et délicieusement terrifiante – nouvelle Brume. Et bien qu’aucune bestiole de la sorte n’ait agité ses grandes ailes au moment du passage en caisse, King s’en est d’une certaine manière suffisamment convaincu pour qu’à son tour son lecteur s’en persuade jusqu’à un certain point.

Chauffeur pour drame

Il vous revient, du moins lorsque c’est fait consciemment, de doser la part de réalité dans vos textes afin d’en augmenter l’impact auprès de votre lecteur. Non, je n’ai pas parlé de réalité augmentée. Suivez un peu, bon sang, je me donne du mal, là, quand même ! Bref. Cela ne sous-entend pas que vous devez confesser tous vos péchés à travers vos écrits. Un problème qui ne se posera jamais à moi, d’ailleurs, car je suis une âme pure. Le dernier prêtre que j’ai immolé par le feu dans son confessionnal  – ça brûle bien ces trucs-là – pour le motif légitime qu’il me reprochait des peccadilles pourrait en témoigner s’il vivait encore. Bon, je peux bien vous le dire, à vous : ce n’est pas mon épouse qui conduisait notre voiture lors du léger accrochage évoqué plus haut. C’est moi. Mais mince, quoi, ce gars-là venait de me piquer la place de parking que je convoitais. Euh, voyez, ça c’est faux, par exemple. Je ne vais jamais dans les parkings. J’ai un chauffeur.


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