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20 bonnes raisons de devenir écrivain – 12 – la refonte

Sommaire

La refonte consiste à améliorer ses textes. Cet article vous explique concrêtement procéder à travers un exemple. Frédéric Barbas, correcteur d’édition revisite le manuel d’Antoine Albalat : l’art d’écrire en 20 leçons. Cet article contient un exercice de refonte et son corrigé, une analyse critique des résultats obtenus, quelques conseils pour apprendre  à se… surpasser !

Douzième leçons
20 bonnes raisons de devenir écrivain

 

Procédés de refontes

« Le premier travail fructueux à faire sur un premier jet, c’est le nettoyage : cribler, resserrer, nettoyer le style, passer à l’eau le filon, le débarrasser de tout ce qui l’encombre. »

La démonstration  d’Antoine Albalat

Albalat s’est déjà livré à l’exercice que vous trouverez quelques lignes ci-dessous, confirmant en cela son propre « aveu » qu’un ouvrage tel que celui-ci ne peut pas s’épargner de nombreux points de convergence, que pour ma part j’estime être la preuve d’un discours cohérent.

Le texte qu’il a choisi pour illustrer son propos, « d’un écrivain contemporain », est jugé comme pouvant « passer pour un mauvais premier jet » alors qu’il est censé être abouti (autant dire qu’Albalat considère que l’écrivain en question est loin de s’être fendu de la refonte qui l’aurait rendu plus digeste) ; pour vous amuser et peut-être vous aguerrir, avant de passer à la correction effectuée par Albalat, voyez quelles transformations vous auriez apportées à cet extrait. Pour ce petit travail, on procédera en trois étapes ; d’abord le texte avec les imperfections qu’il comporte, les lourdeurs, puis l’étape par laquelle Albalat est passée, soulignant ce qui enlève de la fluidité en pointant les tournures selon lui fautives en italique, enfin, sa version remaniée :

Un exercice de refonte avec son corrigé

Texte imprimé (Un coin de foire)

« Rien de plus intéressant que l’arrivée des roulantes de saltimbanques. Parmi ces véhicules, il en est qui sont d’un luxe inouï ; on aperçoit des rideaux brodés aux fenêtres, et dans l’intérieur tout est reluisant de glaces et de dorures. Mais ce qui nous séduit de préférence, c’est la vieille et classique roulante d’un vert de poireau, mal assise sur ses roues, ayant ses vasistas fermés par un méchant morceau de calicot et sur les brancards de laquelle sèchent quelques torchons. Sur le devant est accrochée une cage éreintée où une perruche déchiquette une feuille de salade. »

Étape transitoire

« Rien de plus intéressant que l’arrivée des roulantes de saltimbanques. Parmi ces véhicules, il en est qui sont d’un luxe inouï ; on aperçoit des rideaux brodés aux fenêtres, et dans l’intérieur tout est reluisant de glaces et de dorures. Mais ce qui nous séduit de préférence, c’est la vieille et classique roulante d’un vert de poireau, mal assise sur ses roues, ayant ses vasistas fermé par un méchant morceau de calicot et sur les brancards de laquelle sèchent quelques torchons. Sur le devant est accrochée une cage éreintée où une perruche déchiquète une feuille de salade. »

Texte refait

« Rien d’intéressant comme l’arrivée des roulantes de saltimbanques. Il en est d’un luxe inouï : rideaux aux fenêtres, intérieur reluisant de glaces et de dorures. Ce qui séduit, c’est la vieille et classique roulante, d’un vert poireau, mal assise sur ses roues, les vasistas fermés par du méchant calicot, et sur les brancards des torchons qui sèchent. Sur le devant s’accroche une cage où une perruche déchiquette de la salade. »

 

Mesurons les bénéfices de cette réécriture

Élaguer de manière étudiée 

Par rapport à la version de base, une fois le cumul des mots supprimés ou intervertis effectué, environ une ligne et demi est retranchée. C’est peu, pourrait-on se dire. Mais quand on sait qu’un seul mot en trop déstabilise l’harmonie d’une phrase, la rend pesante au point qu’elle semble traîner ses galoches dans la gadoue, on voit ce que cela peut donner sur la longueur : un bla-bla indécrottable.

Je me permets d’émettre un point de vue quant aux corrections apportées par Albalat : j’aurais conservé le « éreintée » de « cage éreintée », qui me semble témoigner d’une longue route, de ce que les saltimbanques peuvent avoir à subir comme trajets harassants dans leur errance sans fin. Mais peut-être ne s’agit-il que d’un avis purement romantique dans toute la subjectivité qu’il implique !

Sinon, toutes les autres modifications me paraissent justifiées. Bien sûr, chacun se fera sa religion quant à l’opportunité d’écarter tel mot ou de raccourcir tel assemblage, mais j’espère en tout cas qu’à la lumière de cette petite distraction intellectuelle, tout le monde aura pu mesurer le regard d’aigle dont on doit disposer pour désembouteiller son style.

 

Caractériser les personnages et les situations

Ce qui suit, bien que cela puisse paraître redondant dans la manière d’apposer certaines règles visant l’excellence, ne l’est pas dans l’hypothèse où l’on désire forger un personnage, donc rien d’anodin. Un personnage fort dégage un fumet littéraire, il ne laisse pas nos narines de lecteur insensibles, nous le suivons jusqu’au bout de son aventure. S’ils sont formidablement bien construits, comme par exemple un Hercule Poirot ou un Sherlock Homes, les moustaches du Belge ou s’enferme sa vanité ou la mélancolie d’un Anglais d’une géniale complexité leur valent qu’on leur emboîte aussitôt le pas (sauf réfractaires). Ce qui fait le suc de ces héros, c’est qu’on ne peut quasiment les comparer à aucun autre : l’intelligence bonhomme dissimulée derrière les célèbres bacchantes, la cocaïne prise dans les cordes d’un violoncelliste délivrant des trésors de déductions : il faut qu’un personnage s’arrache du lot.

Là encore, un extrait et le commentaire qu’Albalat montrent ce dont on doit se garder :

« Elle avait dans l’élévation et l’élégance de sa taille, dans la flexibilité du cou, dans la pose de sa tête, dans la finesse de sa peau rougissante comme à quinze ans sous les regards, dans la pureté des traits, dans la souplesse soyeuse des cheveux noirs ruisselants sous son chapeau, et surtout dans le rayonnement du regard, des lèvres, du sourire, cet invincible attrait, qui est à la fois le mystère et le complément de la vraie beauté. »

 

Évitez la vacuité et les propos convenus

Il faut prendre conscience qu’un texte d’un tel vide abyssal a été publié en son temps… et que de nos jours, il en paraît encore du même tonneau, dans une quantité non négligeable. Si l’on peut dénoncer la médiocrité d’un auteur, on doit aussi souligner le manque d’exigence de certains lecteurs encourageant une telle indigence stylistique. Voici ce qu’Albalat dit de ce passage :

« Il est difficile d’être plus incolore. On ne voit pas une personne. Il n’y a là que les qualités de surface qui conviennent à toutes. […] il fallait dire ce qui caractérisait cette femme et non pas une autre ; la peindre non point par ce qu’elle avait de commun avec les autres, mais par ce qu’elle avait d’exceptionnel, par les détails qui la différenciaient, par les choses qu’on ne voyait qu’en elle. »

Citant Flaubert pour prendre le contre-pied du fade « rayonnement du regard » : « Elle a les yeux tellement noyés de langueur qu’on la dirait aveugle. » On se situe nettement à un niveau plus délectable. Si l’auteur « coupable » de ce « rayonnement du regard » avait fait l’effort, sans prétendre égaler Flaubert, de trouver des mots moins convenus, sa prose, dégagée du commun, aurait résonné d’un son plus flatteur.

 

Quand écrire, c’est se surpasser

« Avoir du talent, c’est comprendre que l’on peut faire mieux, et avoir les moyens intellectuels de réaliser la perfection que l’on rêve. »

Point de progrès sans humilité ! Visez la décroissance de l’ego

Tout ou presque est dit dans  « c’est comprendre que l’on peut faire mieux ». C’est ce qui définira l’aptitude de qui veut écrire, à savoir ce qu’est le surpassement de soi. Gribouiller l’ébauche d’un poème, d’une nouvelle, le commencement d’un roman est à portée de tous. En faire un acte qui puisera sa force dans son achèvement évince la pusillanimité. Les moyens intellectuels sont une chose trop évasive pour qu’on y attache une réelle importance. Qui, du lettré ou du « cancre » saura le mieux raconter une histoire ? On peut avoir plein de vocabulaire en bouche et ne savoir que le répandre sans lui donner du relief, quand dans le même temps un langage restreint atteint l’essentiel, déniche l’idée en quelques vocables. Il reste évident que plus on possède de mots en stock, mieux on diversifie son style, soit un véritable atout pour séduire son lecteur.

La nécessité d’un regard extérieur

« Il faudrait pour dépayser l’auteur, que l’œuvre fût recopiée par une main étrangère. »

Le conseil d’Albalat, qui constitue la continuité du recul, est de mettre à contribution une personne extérieure (« […] un maître éclairé, un ami clairvoyant ») dont le regard devra se montrer d’une neutralité susceptible de ne point émonder votre style à l’excès tout en ne faisant pas preuve d’une indulgence qui vous desservirait en laissant passer les paresses langagières. Comme le dit enfin Albalat : « Un critique sincère est un trésor précieux. On doit s’estimer heureux de le rencontrer. »

Qu’est-ce que cette main étrangère ? Le recul, dans un premier temps, dont nous avons déjà parlé. La part de nous qui, une fois qu’un affaissement de certitudes s’opère, devient enfin pertinente et voit les défauts surgir. L’art de la refonte convoque l’humilité, ce qui n’est pas rien sachant qu’écrire gonfle en permanence notre ego, plus ou moins selon les personnes. On a vite fait, dans le moment fiévreux où les doigts s’abattent sur les touches du clavier, de se glorifier d’une formule, d’un mot se fichant comme un coin dans l’écorce de notre littérature. On a aussi vite fait de s’adonner à la facilité, de se contenter de ce que le talent a de bref ; de ce qu’il a de périssable. Les phrases d’un soir ont souvent la gueule de bois sous l’examen du lendemain, lorsque la jubilation constate les défaillances. Un texte refondu ne doit rien lâcher à l’approximation. On doit avoir la faculté de s’indigner devant le pourrissement d’une phrase qu’un terme gâche. Et rectifier. Sans cesse. Jusqu’à ce qu’un sentiment d’usure nous indique que nous sommes allés au bout d’un long chemin où les traces de notre application, pour ne pas dire implication, sont enfin visibles.

Vous lirez avec profit dans son ouvrage les exemples qu’Albalat multiplie pour mettre en exergue des extraits que beaucoup estimaient frappés d’un haut degré d’originalité et qui pourtant, au mieux, sortent à peine la tête du marigot de la banalité.

Cependant, faut-il le rappeler, tout autant que de nombreux raturages, il est aussi constructif de savoir mettre un frein à son effort : « Il y aurait un grave écueil à corriger indéfiniment. La correction doit avoir un terme ; on peut gâter son œuvre à force de la retoucher. » Citant Quintilien : « Il arrive par là que ces écrits sont pour ainsi dire tout marqués de cicatrices et plus faibles qu’ils n’étaient d’abord. Souffrons donc, ajoute Quintilien, que ce que nous avons écrit parvienne enfin à nous plaire ; que la lime polisse l’ouvrage, mais qu’elle ne l’use pas. »

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