Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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Sabine Boyer Ponapin – Stage questions de style (mai 2016)

Sommaire

Texte présenté au terme du stage

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Taille de héros

Depuis le temps qu’il en rêvait ! Des vacances avec Marie. Loin des embouteillages, des grèves, de branler Dans le manche et dans le froid.

Ron est au bout du monde, dans la vallée de Sans Souci. Entre le vert luxuriant  du trou de fer, un

canyon décrit comme le plus dingue, et la nature violente des vagues du gouffre du cap méchant dans l’Océan Indien, il fait l’aventurier avec sa belle. Il descend comme un Dieu bronzé, du bleu intense du ciel de l’île de la Réunion. C’est un saut en parachute que Ron a programmé au dessus du volcan le plus actif et le plus surveillé du monde pour faire sa demande en mariage.

Plongée dans les images aux couleurs de la terre qui grossissent dans sa chute, ses yeux ronds comme Jonas qui a vu la baleine, suivent sa future épouse qui s’éloigne. Choc, chute, Ron atterrit à côté d’un champ de cannes, dans une étrange brume. Son cœur bat à tout rompre, s’ouvre ; ses perceptions aussi. Monte une odeur de souffre mélangée à la terre des esclaves qui ont trouvé sur ces hauteurs non colonisées à l’époque, un refuge, une précarité, une misère plus grande mais sans entrave. Sans sépulture ils errent à la recherche d’âme fraîche pour transmettre l’esprit de résistance. Ils accueillent l’enfant du pays de retour, qui ignore tout de ses origines. Tout est petit, comme au commencement…

Ron émerge, secoue ses boucles brunes comme pour chasser ses pensées et rejoint Marie. Atterrit  à l’autre bout du champ, ses yeux s’écarquillent d’effroi sur la silhouette de son homme roulant les muscles qu’elle ne voit plus ! Quand Ron tombe à genoux pour présenter sa demande, tout lui paraît plus grand, plus beau comme si son rêve prenait de la dimension, se réalisait. Mais  Marie laisse échapper un cri qui désarçonne

le jeune garçon.

– Tu pètes les watts ou quoi ? J’suis mort ?
– Non ! Mais t’es ptit !

Pourtant ses mains sur les hanches de Marie sont plus chaudes, plus pleines, plus heureuses. Le tressaillement de sa peau à travers son débardeur me rend fou… réalise t-il.

Saisit de peur de le voir fondre, Marie appelle les secours, téléphone à la police, qui se déplace vers le couple. Ron, dans la taille d’un enfant de 12 ans, a retroussé son jean. Transportés au poste de police, les amoureux apprennent qu’un nuage de gaz échappé du volcan serait responsable de phénomènes étranges.

De plus, l’île dispose de peu de moyens pour entreprendre des examens poussés. Marie se débat pour

un rapatriement sanitaire en face d’un bon fonctionnaire, attaché à remplir toutes ses petites cases.

Sa tête enrubannée à l’indienne, se penche, comme pour accueillir mais une moustache au dessus de ses lèvres barre ses traits marrons.

– Bon ! Il me faut une adresse ! Vous habitez où ? demande l’homme derrière son bureau, ses dossiers… sa moustache… fripée.

– En France, répond Marie, certaine de faire de l’effet et d’espérer une issue.
– Ici ! Vous n’avez pas une adresse ? Quelqu’un qui vous reçoit ?
– Non ! répond Marie exaspérée. Il se tourne vers le petit homme.
– Alors Monsieur Dup ? Pourtant des Dup c’est pas ce qui manque dans l’île, insiste le fonctionnaire.

Amusé Ron se dit si tous les êtres avaient quelque chose à échanger, à vendre on serait tous plus gentil. Il s’aperçoit alors que la vérité elle aussi grandit mais comme il rétrécit, son petit cerveau  ne trouve plus de mots pour l’exprimer. De son côté, devant le rétrécissement de toutes les parties de son amoureux, Marie formule un « non » à la demande en mariage de Ron, qui continue à rétrécir

Son état lui donne accès à de nouvelles perceptions. Il devine la réponse de Marie. Abasourdi il sent son désir de sauter sur le bureaucrate pour réduire en bouillie toutes ces petites cases. Mais quand il se tourne vers le Réunionnais, et lit son besoin d’échanger, de trouver une solution, il voit l’occasion de faire grandir la conscience :
– Je ne sais pas ce qui m’arrive… mais vous voyez bien que je suis en danger ?

Le stylo suspendu au-dessus de ces cases, comme frappé par un éclat volcanique, le fonctionnaire pose sur le petit homme un regard compatissant, de quoi dissiper bien des nuages de confusions. Plus il le regarde, plus Ron retrouve ses dimensions. La moustache du fonctionnaire frétille, le rendant soudain plus sympathique.

Stupéfaction dans les yeux de Marie… Elle réalise les pouvoirs de Ron et veut lui faire confiance, lui donner envie de réaliser ces nouvelles aptitudes. Elle voit. Elle le voit… enfin revenu à sa taille d’origine.

— Alors Marie ? C’est Oui ?


Texte revu après stage

J’ai toujours été petit mais je ne le savais pas.  

Depuis le temps qu’il en rêvait ! Des vacances avec Marie. Loin des embouteillages, des manifs, de branler dans le manche et dans le froid.

Ron est au bout du monde, dans la vallée de Sans Souci. Entre le vert luxuriant  du trou d’enfer, un canyon décrit comme le plus dingue, et la nature violente des vagues du gouffre du cap méchant dans l’Océan Indien. Il fait l’aventurier avec sa belle. Il descend comme un Dieu bronzé, du bleu intense du ciel de l’île de la Réunion. C’est un saut en parachute que Ron a programmé au dessus du volcan le plus actif et le plus surveillé du monde pour faire sa demande en mariage.

Plongée dans les images aux couleurs de la terre qui grossissent dans sa chute, ses yeux ronds comme Jonas qui a vu la baleine, suivent sa future épouse qui s’éloigne. Choc, chute, Ron atterrit à côté d’un champ de cannes, dans une étrange brume. Son cœur bat à tout rompre, s’ouvre ; ses perceptions aussi. Monte une odeur de soufre mélangée à la terre des esclaves qui ont trouvé sur ces hauteurs non colonisées à l’époque, un refuge, une précarité, une misère plus grande mais sans entrave. Sans sépulture ils errent à la recherche d’âme fraîche pour transmettre l’esprit de résistance. Ils accueillent l’enfant du pays de retour, qui ignore tout de ses origines. Tout est petit, comme au commencement…

Ron émerge, secoue ses boucles brunes comme pour chasser ses pensées et rejoint Marie. Atterrit  à l’autre bout du champ, ses yeux s’écarquillent d’effroi sur la silhouette de son homme roulant les muscles qu’elle ne voit plus ! Quand Ron tombe à genoux pour présenter sa demande, tout lui paraît plus grand, plus beau comme si son rêve prenait de la dimension, se réalisait. Mais  Marie laisse échapper un cri qui désarçonne le jeune garçon.
– Tu pètes les watts ou quoi ? J’suis mort
– Non mais t’es ptit !

Pourtant ses mains sur les hanches de Marie sont plus chaudes, plus pleines, plus heureuses. Le tressaillement de sa peau à travers son débardeur me rend fou… que se passe t-il ?

Saisit de peur de le voir fondre, Marie appelle les secours, téléphone à la police, qui se déplace vers le couple. Ron, dans la taille d’un enfant de 12 ans, a retroussé son jean. Transportés au poste de police, les amoureux apprennent qu’un nuage de gaz échappé du volcan serait responsable de phénomènes étranges. De plus, l’île dispose de peu de moyens pour entreprendre des examens poussés. Marie se débat pour un rapatriement sanitaire en face d’un bon fonctionnaire, attaché à remplir toutes ses petites cases. Sa tête enrubannée à l’indienne, se penche, comme pour accueillir mais une moustache au dessus de ses lèvres barre ses traits marrons*.
– Bon ! Il me faut une adresse ! Vous habitez où ? demande l’homme derrière son bureau, ses dossiers… sa moustache… fripée.
– En France, répond Marie, certaine de faire de l’effet et d’espérer une issue.
– Ici ! Vous n’avez pas une adresse ? Quelqu’un qui vous reçoit ?
– Non ! répond Marie exaspérée. Il se tourne vers le petit homme.
– Alors Monsieur Dup ? Pourtant des Dup c’est pas ce qui manque dans l’île, insiste le fonctionnaire, qui pense à la fortune d’une famille de « gros blancs* » qui pourrait secourir Ron.

Amusé Ron se dit si tous les êtres avaient quelque chose à échanger, à vendre on serait tous plus gentil. Il s’aperçoit alors que la vérité elle aussi grandit mais comme il rétrécit, son petit cerveau  ne trouve pas assez de mots pour l’exprimer. De son côté, devant le rétrécissement de toutes les parties de son amoureux, Marie formule un « non » à la demande en mariage de Ron, qui continue à rétrécir…

Son état lui donne accès à de nouvelles perceptions. Il devine la réponse de Marie et derrière l’air amusé du fonctionnaire, un certain mépris pour les « petits ». Abasourdi il sent son désir de sauter sur le bureaucrate pour réduire en bouillie toutes ces petites cases. Mais quand il se tourne vers le Réunionnais, il lit son besoin d’échanger, de trouver une échappatoire à sa propre prison, une solution. Il trouve l’occasion de faire grandir la conscience :
– Je ne sais pas ce qui m’arrive… mais vous voyez bien que je suis en danger ?

Le stylo suspendu au dessus de ces cases, comme frappé par un éclat volcanique, le fonctionnaire pose sur le petit homme un regard compatissant, de quoi dissiper bien des nuages de confusions. Plus il le regarde, plus Ron retrouve ses dimensions. La moustache du fonctionnaire frétille, le rendant soudain plus sympathique.

Stupéfaction dans les yeux de Marie… Le phénomène de rétrécissement a cessé. Elle réalise les pouvoirs de Ron et veut lui faire confiance, lui donner envie de réaliser ces nouvelles aptitudes. Elle voit. Elle le voit enfin revenu à sa taille d’origine.
– Alors Marie ? C’est Oui ?
– Sans souci* ! C’est sur ce site que retournèrent les amoureux célébrer avec tous les esprits la victoire de l’amour.

Notes :

Marron : vient de l’espagnol cimarrón, signifiant  » s’échapper, fuir  » ; il désignait les animaux domestiques qui devenaient sauvages, avant de désigner les esclaves qui fuyaient leurs mauvaises conditions de travail sur les plus hautes cimes fuyant les maîtres et les chasseurs de noirs. Dans ces lieux inaccessibles, donc pas colonisés, ils étaient prêts à tout endurer, sauf la privation de leur liberté. Ils recrént là une société avec des codes, des rituels, une religion, des chefs, des clans. Il reste très peu de trace de l’épopée des marrons. En 2011 des archéologues découvrent « La vallée des hommes libres ». Le dénudement du lieu est déjà une information sur ce qu’était prêt à souffrir des hommes pour devenir des  êtres humains. En 1829 la population des marrons est estimé à 4500. L’historien Sudel Fuma affirme lui que « l’histoire devait être « effacée », après avoir constaté les archives « nettoyées ». « Commencer à parler des esclaves remet en question la société telle qu’elle s’était construite », explique t-il.

Gros blanc : Leur image est indissociable de celle l’esclavagiste, du propriétaire terrien. Maîtres d’immenses domaines de canne à sucre, ils ont négocié la date de l’abolition de l’esclavage pour ne pas perdre une main-d’œuvre gratuite en pleine période de coupe. À l’époque, ils ont immigré depuis la France à la faveur de la colonisation et composent la bourgeoisie blanche de la Réunion. Comme leur nom l’indique, « gros » se réfère à leur position économique et sociale et « blanc » à leur couleur. Les Gros Blancs forment un groupe ethnique de l’île, la caste dominante. On parle même de « l’esprit gros blanc » pour décrire certaines mentalités.

Sans Souci : C’est le départ du paradis des randonneurs. Accroché au flanc de la paroi, surplombant la rivière des Galets, un sentier mène à un balcon ouvert sur Mafate, lieux inaccessible en voiture, site unique au monde, appelé « Cirque », espace circulaire aux parois abruptes formé par le volcan qui donna naissance à l’île, le Piton des Neiges qui dort, depuis. La randonnée permet d’entrer dans le cirque de Mafate par la « porte » la plus facile … Vivent là quelques centaines d’habitants. Vécurent là « Mafate », un chef de clan marron avec ses hommes. Mafate signifie en malagache, « mortel »

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