Le blog d'Esprit Livre

" Vous trouverez sur ce blog des informations sur les métiers de l'écriture, des chroniques littéraires , des textes de nos auteurs en formation, des guides et des conseils pour vous former, écrire et publier. " Jocelyne Barbas, écrivain, formatrice, fondatrice de L'esprit livre.

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Se débarrasser du personnage-plaisir

Sommaire

En écrivant, parfois un écrivain se risque à mettre en scène un personnage, juste pour le plaisir. Erreur. Pente glissante.

Il y a de bons personnages dont le seul défaut est de ne servir à rien. On éprouve pourtant beaucoup de plaisir à les travailler au point de les considérer comme l’atout principal d’une nouvelle ou d’un roman. À un détail près : ils n’existent que pour eux-mêmes. Plus précisément, ils sont connectés à l’auteur plus qu’ils n’interagissent avec les autres éléments de l’histoire. Plutôt que de répondre à une logique narrative ou de s’inscrire dans un contexte clairement défini, ils correspondent avant tout à l’envie de l’auteur d’écrire comme bon lui semble. Au détriment de la cohérence, et sans valeur ajoutée notable. Autant dire que ce « personnage-plaisir » a tout de l’indésirable ne disant pas son nom, et qu’il convient de s’en débarrasser avant qu’il ne prenne trop de place…

Une présence inattendue

Le défouloir

Le personnage-plaisir est le fruit de l’inexpérience et de la facilité, de la stimulation intellectuelle non maîtrisée engendrée par la découverte de l’écriture. On voudrait tout dire en un livre, sans discernement. Qu’importe s’il sert plus à se défouler qu’à exprimer notre talent : on l’intégrera à notre l’histoire coûte que coûte, au chausse-pied s’il le faut, pour la plus grande joie du lecteur ! Du moins le croit-on dans l’exaltation des premiers écrits. Les plumes débutantes esquissent ainsi – parfois – un personnage ayant tout l’air d’un invité surprise. De fait, on ne sait pas ce qu’il fiche là.

En trop

L’auteur en herbe paraît lui-même un peu étonné de l’avoir convié à participer à son histoire. D’ailleurs, le plus souvent, il y fait irruption sans avoir été annoncé. Bien que personne n’ait entendu parler de lui avant de le rencontrer au détour d’un paragraphe, il s’impose en sans-gêne d’une page à l’autre parmi l’assistance littéraire. Il cligne de l’œil en direction du lecteur, claque des doigts comme si quelqu’un allait se souvenir de lui ou comprendre la raison de sa venue. Mais l’impression qu’il est en trop s’installe peu à peu pour ne plus se dissiper…

Qu’est-ce qu’il vient faire là, déjà ?

La question à se poser en priorité dès lors qu’on introduit un personnage dans une histoire est simple : quel est son rôle ? L’une des plus mauvaises réponses étant : c’est un bon personnage. Aïe. Le personnage-plaisir vient de débarquer, soit l’un des parasites les plus accrocheurs de l’écrivain. Un vrai crampon. Il se nourrira de l’esprit de son créateur dès que celui-ci l’aura fait naître. Aspirera la moindre de ses pensées. Se repaîtra de chacune de ses réflexions. Tout ça avec pour unique objectif d’exister là où la plus infime faille du récit lui permettra de survivre. Alors qu’il n’a strictement rien à y faire. Ouste, maudit imposteur !

Le vampire dans la maison de papier

Un mirage tenace

Mais voilà, une fois dans la place, difficile de l’en déloger. Par notre faute, d’ailleurs. Puisque d’auteur tout-puissant, on est passé à spectateur au psychisme squatté par l’illusion d’une bonne idée, mirage tenace s’il en est. On l’aime trop pour le congédier d’un revers de marque-page, notre personnage-plaisir. À peine l’avons-nous mis en situation afin d’exposer ses supposés atouts au lecteur que l’on se rend compte combien il sera compliqué de s’en séparer. Mais le veut-on vraiment ? Après tout, un vampire ne peut pénétrer dans une maison sans y avoir été invité. Or, que fait le personnage-plaisir, si ce n’est vampiriser notre récit ?

La justification

On essaie d’abord de justifier sa présence en nos murs de papier par tous les moyens ; vraiment, il est trop cool. Drôle ? Ses réparties sont à se tordre. Profond ? On boit chacune de ses paroles. Attachant ? On aimerait qu’il soit notre meilleur ami. Magnétique ? On pourrait s’en servir pour maintenir la liste des courses sur la porte du réfrigérateur, etc. On se sait un tantinet subjectif sur ce coup-là, mais quoi, on est en droit de se réjouir d’avoir inventé un tel protagoniste dont le potentiel ne demande qu’à être exploité, non ? Non.

L’envie par effraction

Non et mille fois non, car le personnage-plaisir ne sera jamais à sa place nulle part dans notre histoire. Il n’est pas né des besoins de l’intrigue ou d’un cheminement intellectuel, mais de notre envie subite d’écrire sans contrainte. Il a surgi. Entré par effraction – à moins que nous ayons omis de refermer une fenêtre de notre imagination ? – il deviendra tôt ou tard évident que son apparition engendre un malaise dès qu’il franchit le seuil d’une pièce de notre édifice littéraire. Il suffit de constater à quelles modifications de dernière minute il oblige l’auteur ayant voulu l’imposer à toute force. Contre le bon sens même.

Le personnage-égoïste

L’inspiration surnaturelle

On l’a dit, même après avoir constaté qu’il désorganise plus qu’il ne soude le texte, il nous sera difficile de le congédier à la première occasion : un auteur développe une addiction psychologique à un personnage-plaisir. Celui-ci détruit sa structure narrative, mais lui apporte l’insouciance éphémère d’une écriture enivrante. Voilà pourquoi un personnage-plaisir est insidieux : il donne le sentiment d’avoir un effet libérateur sur notre écriture. À peine se focalise-t-on sur lui qu’une inspiration presque surnaturelle paraît guider nos idées sur des rails solides le long desquels notre imagination fonce. Droit dans le mur, certes, car en contrepartie il bloque l’essentiel de notre processus créatif.

Hors de l’herbier

Henri Calet, auteur entre autres de La belle lurette et Le tout sur le tout,  parlait de son œuvre en ces termes : « une sorte d’herbier où je place, j’insère des personnages entrevus, séchés ». Séchés. Pas trempés de la sève de la satisfaction immédiate, flux dont l’effet limité ne s’inscrit jamais dans la durée. Cette tendance à ne pas survivre à l’enthousiasme du moment condamne irrémédiablement le personnage-plaisir. Effrité avant même de se faner, il n’enrichira jamais le moindre herbier…   

Auteur : Frédéric Barbas – Mise en page : Diane Lemay

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